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Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 9, 1866.djvu/248

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immense de plusieurs milliers de personnes, et tous étaient simplement baptisés sans être instruits. Ce jeune homme, prenant alors en particulier cent et deux cents personnes, leur parlait, et ne leur enseignait rien autre chose que les mystères, de sorte qu’il ne laissait approcher que des initiés. Beaucoup crurent qu’il ne faisait cela que parce qu’il désirait le commandement. Mais il ne prit pas garde à ce qu’ils pensaient ; il ne continua pas cependant ; il cessa immédiatement. Quoi donc ? Celui-ci fut-il une cause de scandale ? Je ne le pense pas ; en effet, s’il avait agi sans aucun motif, on eût pu lui faire à bon droit des reproches, et aussi s’il avait continué. Lorsque l’on est empêché par le scandale d’autrui de faire ce qui plaît à Dieu, on n’en doit faire aucun cas ; mais il faut y faire attention, lorsque nous le pouvons sans offenser Dieu. Lorsque nous parlons, et raillons les ivrognes, si quelqu’un se scandalise, faudra-t-il, dites-moi, cesser notre discours ? Écoutez le Christ : « Voulez-vous aussi », dit-il, « vous en aller ? » (Jn. 6,68) Ainsi on ne doit ni prendre trop de souci de la faiblesse de la multitude, ni la mépriser trop. Ne voyons-nous, pas les médecins agir ainsi ? Lorsque cela se peut, ils sont prêts à satisfaire aux désirs de leurs malades ; si, au contraire, leur condescendance peut porter préjudice aux malades, ils n’accèdent plus à ce qu’ils désirent ? En tout il faut observer la mesure convenable.
Plusieurs personnes poursuivaient d’injures une belle jeune fille à cause de son assiduité à l’instruction ; ils l’assaillaient et injuriaient même ceux qui l’instruisaient. Mais, quoi ? Fallait-il que ses maîtres cessassent à cause de cela ? En aucune façon ; car ils ne faisaient rien de contraire à la volonté de Dieu, mais bien au contraire, une œuvre très-agréable à Dieu. Ne considérons donc pas si quelques-uns se scandalisent, mais bien s’ils le font justement et si ce n’est pas pour nous perdre. « Si ce que je mange scandalise un frère », dit Paul, « je ne mangerai plutôt jamais de chair ». (1Cor. 8,13) Il dit cela à bon droit, car ce n’était pas une chose nuisible de n’en pas manger ; si toutefois quelqu’un se scandalise de ce que je veux renoncer, il ne faut plus faire attention à son scandale ? Mais qui, direz-vous, peut se scandaliser de cela ? Beaucoup, je le sais. Lors donc que la chose qui fait scandale est indifférente, abstenons-nous-en ; si nous voulons nous placer à ce point de vue, il faudra s’abstenir de beaucoup de choses ; au contraire, si nous ne donnons aucune attention au scandale, beaucoup périront par notre faute. Paul s’est précautionné contré le scandale en disant : « De peur que personne ne puisse rien nous reprocher sur le sujet de cette aumône abondante dont nous sommes les dispensateurs ». (2Cor. 8,20) Ce n’était pas une close nuisible de détruire le soupçon. Lorsque nous sommes dans une telle nécessité, qu’à cause du scandale que l’on voudrait éviter, il peut arriver de grands maux, ne nous occupons point de ce scandale. C’est celui qui se scandalise qui est à soi-même la cause de scandale, mais nous ne sommes plus responsables ; on ne peut sans danger lui céder. Beaucoup se sont offensés de ce que quelques fidèles couchaient dans les temples, comme si on ne devait pas y coucher ; mais c’est à – tort. Il n’y a aucun mal à cela. On s’offensait de ce que Pierre mangeait avec les gentils ; mais il s’en abstint : Paul ne fit pas de même. Partout il convient, en suivant les lois de Dieu, de veiller avec grand soin à ne pas fournir occasion au scandale, afin de se conserver innocent ; afin aussi de mériter la miséricorde de Dieu, par la grâce et la charité du Fils unique, avec qui appartiennent, au Père et à l’Esprit-Saint, gloire, puissance, honneur, maintenant et toujours, pendant les siècles des siècles. Ainsi soit-il.