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Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 9, 1866.djvu/269

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comme un pâtre prévoyant : c’était une guerre civile qui avait éclaté ; c’était en toi – même que le combat était engagé. – Car de même que ceux qui assiègent une place, cherchent à fomenter la guerre civile dans l’intérieur de cette place, et sont vainqueurs par l’emploi de ce moyen : de même celui qui nous outrage, s’il ne parvient pas à exciter en nous-mêmes l’ardeur du ressentiment, échouera dans son entreprise ; il n’a aucune force, aucun pouvoir, si nous n’attisons le feu en nous-mêmes. – Que l’étincelle de la colère demeure donc en nous, pour n’y être ranimée qu’à propos, et non contre nous-mêmes, ce qui nous exposerait à mille maux.
Ne voyez-vous pas de quelle manière, dans les maisons, le feu est tenu caché, sans être éparpillé nulle part et jeté au hasard parmi la paille et les étoffes, de peur que le moindre vent qui viendrait à souffler n’allume un incendie ? Quand la servante va quelque part une lampe à la main, et quand le cuisinier allume ses fourneaux, on leur recommande expressément de prendre des précautions ; et lorsque la nuit survient, nous avons soin de couvrir le feu de peur que, pendant notre sommeil ; et lorsque personne n’est là pour y veiller, il ne 'se rallume et qu’un incendie n’éclate. – Agissons de même à l’égard de la colère : ne la laissons pas s’éparpiller çà et là dans notre pensée, mais renfermons-la dans, les profondeurs de l’âme, de peur que le vent ne vienne à souffler, je veux parler des paroles offensantes que. nous sommes exposés à entendre : sachons contenir le souffle en nous-mêmes, pour ne l’employer qu’à propos et lorsque la chose est sans danger pour nous. S’il se déchaîne du dehors en toute liberté, il ne connaîtra pas de bornes et allumera un incendié qui dévorera tout. Que cette étincelle de la colère ne nous serve donc qu’à nous donner de la lumière. En effet, la lumière naît de la colère, quand celle-ci n’éclate qu’à propos. Portons des torches allumées pour surprendre ceux qui, à là faveur des ténèbres, cherchent à nuire à leurs semblables ; servons-nous-en pour épier les pièges du démon. Que cette étincelle ne soit pas abandonnée 'un peu partout, comme au hasard ; conservons-la sous la cendre ; que d’humbles pensées la recueillent et l’endorment dans leur sein. Nous n’en avons pas toujours besoin, mais seulement quand il nous faut vaincre quelque difficulté, aplanir quelque obstacle, quand il nous faut adoucir quelque cœur endurci, ou reprendre avec vigueur quelque esprit qui s’égare
4. Que de maux ont enfanté la colère et ses emportements ! Et ce qui est plus fâcheux, c’est qu’après que nous nous sommes séparés les uns des autres à la suite d’une altercation, nous ne nous sentons plus capables de nous réunir encore, mais nous attendons que les autres viennent à nous : chacun a honte de faire le premier pas en vue d’une réconciliation. Voyez donc, on ne rougit pas de donner comme le signal de cette mauvaise action, je veux dire, la séparation, le déchirement : mais on rougit de s’approcher pour rajuster ce qui a été ainsi mis en pièces, comme ferait celui qui n’éprouverait aucune peine à amputer son membre, mais qui rougirait d’avoir à le mettre en place, et à donner les soins nécessaires en pareil cas. Réponds-moi, ô homme ! As-tu de grands torts à te reprocher, et peut-on dire que c’est toi qui as provoqué la lutte ? Dès lors, il est juste que tu fasses les premiers pas pour te réconcilier, puisque tu as été la cause première du dissentiment. Mais c’est toi qui as été offensé ; c’est lui, dis-tu, qui est cause de tout. – Eh bien, pour cette raison même, fais les premiers pas, afin qu’on t’en admire davantage, et que tu obtiennes ainsi doublement la première – place, et pour n’avoir pas été la cause de cette rupture, et pour avoir empêché qu’elle ne se prolonge ; et peut-être déjà ton ennemi, à qui sa conscience reproche les mille méfaits dont tu te plains, en rougit-il, en a-t-il honte en secret. – Mais il s’est laissé aller aux derniers excès ! – Eh bien, pour cette raison même, n’hésite pas à accourir vers lui : car deux violentes passions le troublent : l’emportement et la colère. Tu viens d’articuler toi-même les motifs que tu as de faire les premières démarches : tu te possèdes, tu es sain d’esprit, ta vue n’est pas troublée comme la sienne, pour lui, il est plongé dans les ténèbres ; car tel est l’effet de l’emportement et de la colère. Toi qui es exempt de ces maux, toi qui te portes bien, va, comme le médecin ; voir le malade – Quel est le médecin qui osera dire : Puisque cet homme est malade, je ne veux pas aller à lui ? Tout au contraire, les médecins sortent précisément pour aller visiter ceux qu’ils savent hors d’état de venir les trouver. Quant à ceux qui sont en état de sortir, ils ne s’en inquiètent guère,