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Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 9, 1866.djvu/276

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4. Tout cela fit naître dans le cœur d’Agrippa un vif désir de l’entendre. Et Festus lui accorde cette satisfaction, et la gloire de Paul n’en éclate que davantage. Tel est, ainsi que je l’ai dit, tout l’effet des menées ourdies contre lui. Sans ces menées, aucun magistrat n’eût daigné l’entendre sur ces choses, aucun ne l’eût entendu avec ce grand calme et ce profond silence. Et, en apparence, Paul ne fait qu’enseigner et se justifier ; mais, en réalité, c’est une harangue pleine de dignité qu’il fait entendre. Ne considérons donc pas toujours comme un malheur les mauvais desseins formés contre nous. Tant que nous ne nous dresserons pas des embûches à nous-mêmes, personne ne pourra nous en dresser, ou, pour mieux dire, on nous en dressera ; mais, loin de nous faire aucun mat, on nous sera d’une grande utilité, de sorte qu’il dépend de nous d’être maltraité ou de ne pas l’être. Oui, je vous l’atteste, je vous le dis de ma plus grande voix, que je voudrais rendre plus retentissante que la trompette, et je monterais volontiers sur une hauteur pour vous crier : Aucun homme habitant cette terre ne pourra faire de mal à un chrétien ; et que dis-je, aucun homme ? Il n’y a ni mauvais génie, ni tyran, ni diable, qui puisse lui nuire, s’il ne se fait pas du, tort à lui-même ; et quoi qu’en essaye pour nous faire du mal, on l’essayera en vain. Car, comme aucun des hommes qui sont sur la terre ne saurait nuire à un ange, de même aucun homme ne saurait nuire à un homme. Il y a plus : l’homme ne pourra même pas nuire à son semblable tant qu’il restera bon. Ne pouvant donc recevoir aucun dommage, ni faire aucun dommage à autrui, où trouverait-il son égal ? Car c’est pour lui un autre avantage qui ne le cède en rien aux deux premiers, de ne pas vouloir nuire à autrui. L’homme est donc une espèce d’ange : il est semblable à Dieu. En effet, Dieu possède ces perfections, seulement il les a par nature, tandis que l’homme les tient de sa propre volonté. Il ne peut donc ni éprouver quelque dommage, ni en faire éprouver à autrui. Il ne le peut pas, non par impuissance (car l’impuissance est tout le contraire) ; je veux dire qu’il n’en est pas capable. Sa nature est telle, qu’elle ne comporte pi l’un ni l’autre ; car faire du tort à autrui, ne serait qu’une autre espèce de dommage qu’il se ferait à lui-même. Nuire à autrui, se nuire à soi-même, ces deux façons d’agir sont équivalentes, et c’est ainsi qu’il se fait que nos plus grands péchés proviennent du tort que nous nous faisons à nous-mêmes. Ainsi le chrétien ne peut pas éprouver de dommage ; par cette raison même qu’il ne peut pas en causer.
Vérifions ensemble, si vous le voulez bien, en discutant les faits et les prenant par le détail, vérifions la justesse de cette assertion, que, nuire aux autres, c’est se nuire à soi-même. Supposez qu’un homme en offense un autre, qu’il l’outrage, qu’il le vole ; à qui donc cause-t-il du dommage ? N’est-ce pas à lui-même premièrement ? Il n’est personne qui ne voie cela clairement. L’offensé en éprouve un préjudice dans ses biens, et l’offenseur dans son âme ; son âme est vouée à la perdition et au châtiment. Qu’un homme porte envie à un autre : à qui donc le premier fait-il du tort ? Dites-moi, n’est-ce pas à lui-même ? Oui, tel est le caractère de l’injustice : elle commence par causer une infinité de maux à celui qui s’en rend coupable ; elle en fait peu à sa victime ; que dis-je ? Elle ne se contente pas de ne lui faire que peu de mal, on peut même dire qu’elle lui est utile. Vous faut-il d’autres preuves ? Eh bien, j’ajouterai : Supposons d’un côté (car tout est – là), supposons, un homme qui n’a que peu de bien, ou si vous voulez, qui n’a que le nécessaire pour vivre ; et, d’un autre côté, un homme riche qui a tout en abondance, qui a beaucoup de pouvoir. Et supposons, en outre, que celui-ci s’empare du peu de bien possédé par l’autre, qu’il le dépouille, qu’il le livre aux tourments de la faim, et que lui-même vive dans les délices, en faisant servir à ses plaisirs ce qu’il a injustement ravi à l’autre ; en agissant ainsi, on peut dire que non seulement il ne lui a pas nui, mais encore qu’il lui a été utile. Quant à lui-même, et pour ce qui le, concerne, non seulement il ne s’est procuré aucune utilité, mais il s’est : même causé un grand dommage. Et comment ? Dans cette vie les remords le tourmentent, le déchirent chaque jour ; et, autour de lui, tout le monde le condamne. A la suite de ces tortures, il entrevoit celles du jugement dernier.
Nous voyons bien, me direz-vous, tout le mal que l’un de ces deux hommes se fait à lui-même, mais dites-nous quelle utilité l’autre retire de tout cela. Je vous réponds : Il y a un grand profit à souffrir et à supporter courageusement