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Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 9, 1866.djvu/278

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mieux qu’un accusateur, quel qu’il fût, ne pourrait le faire.
Il n’en est pas ainsi de celui qui a été victime d’une injustice : tous sont ses protecteurs ; tous compatissent à son malheur ; tous lui tendent la main : il est en sûreté. S’il est, beau de commettre, une injustice, et si on peut le faire en toute-sécurité, que quelqu’un ose avouer hautement qu’il est injuste ; mais s’il ne l’ose pas, pourquoi poursuit-il comme un bien cette entreprise injuste ? Voyons que de maux résulteraient d’une semblable façon d’agir, en ce qui nous concerne personnellement. Dites-moi, si quelqu’une des parties de notre corps, dépassant sa sphère propre, empiétait sur une autre ; si, par exemple, la rate, ayant quitté sa place, voulait se mettre à la place d’un autre organe, n’en résulterait-il pas une maladie ? – Si les humeurs qui sont en nous envahissaient tout, n’en résulterait-il pas l’hydropisie ? Et qu’arriverait-il si la bile, si le sang, quittant les vaisseaux qui leur sont spécialement affectés, se répandaient dans tout le corps ? Mais quoi ! si, dans l’âme elle-même, la passion, le désir, et tous les autres éléments dépassent leur sphère propre, ne se perdent-ils pas eux-mêmes ? Il en est ainsi de la nourriture : si nous en prenons plus que nous n’en pouvons digérer, notre corps n’est-il pas immédiatement ravagé par les maladies ? D’où viennent les attaques de goutte ? D’où viennent les paralysies et l’agitation fébrile ? n’est-ce pas de l’excès dans l’usage des aliments ? Supposez encore que l’œil veuille recevoir plus de lumière qu’il ne peut, ou voir plus que ce qui est dans son horizon : cet excès, loin de lui être utile, lui portera préjudice. Cependant la lumière est bonne en elle-même, et le mal ne vient pour l’œil que de ce qu’il a méconnu sa portée et sa capacité naturelles. Si les sons d’une voix bruyante viennent tout à coup à blesser l’oreille, l’esprit est comme frappé de stupeur, et lui-même, s’il vient à réfléchir sur les choses qui sont au-dessus de sa portée, est comme saisi et confondu : en tout, ce qui excède la mesure, est funeste. Et ce qu’on appelle avarice ( πλεονεξία) consiste précisément dans le désir d’avoir plus que ce qui a été fixé. Ainsi, à l’égard des richesses, quand nous voulons nous charger de trop d’argent, nous nourrissons en nous-mêmes, sans nous en apercevoir, une bête féroce ; bien que nous possédions beaucoup, nous manquons encore de beaucoup de choses, et nous nous, embarrassons nous-mêmes dans mille soucis, et offrons au démon mille occasions de nous perdre. C’est pourquoi, quand il s’agit des riches, le démon n’a aucune peine à se donner. Leurs richesses mêmes les disposent on ne peut mieux à succomber à ses attaques. Mais tout le contraire a lieu à l’égard de ceux qui vivent dans la pauvreté. Ainsi, certaines situations se perdent d’elles-mêmes. Je vous exhorte donc à vous interdire la convoitise des richesses, afin que nous puissions tous éviter les pièges du malin esprit, et que ; nous étant attachés à la vertu, nous puissions obtenir les biens éternels par la grâce et la charité de Notre-Seigneur Jésus-Christ, avec lequel, gloire, puissance, honneur, au Père et au Saint-Esprit, maintenant et toujours, dans les siècles des siècles. Ainsi soit-il.