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Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 9, 1866.djvu/284

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de ces croyances qui se sont établies dans l’univers entier. « O roi Agrippa », dit-il, « ne croyez-vous pas », il ne dit pas : à la résurrection, mais « aux prophètes ? » Puis prévenant sa réponse : « Je sais », dit-il, « que vous y croyez ». Et Agrippa se borne à lui dire : « Il s’en faut peu que vous ne me persuadiez d’être chrétien ». Le mot : « Il s’en faut peu », Paul ne l’entend pas du fond des choses, mais dans le sens de : « Depuis peu de temps », et c’est à ce sens qu’il répond en homme simple et peu familier avec les artifices de la parole. Et il ne dit pas : « Je voudrais », mais « je prie Dieu que non seulement vous, mais tous ceux qui m’écoutent présentement… ». Remarquez combien ces paroles sont exemptes de toute flatterie : « Je prie Dieu », dit-il, « que vous deveniez tous aujourd’hui tels que je suis, à la réserve de ces liens ». Voyez : Lui qui se glorifie de ses chaînes, lui qui est fier de les montrer comme une chaîne d’or, les détourne maintenant des autres par ses vœux. Mais ne vous en étonnez pas ; car ils étaient encore trop faibles, et par condescendance, il appropriait son langage à leur faiblesse. Et quant au haut prix qu’il attache à ses chaînes, écoutez comme il les met, dans ses épîtres, au-dessus de tout, quand il dit : « Moi, Paul, qui suis prisonnier de Jésus-Christ » (Eph. 3,1) ; et encore : C’est pour Jésus-Christ que je suis dans les liens : c’est pour lui que je souffre beaucoup « de maux, jusqu’à être dans les chaînes comme un scélérat : mais la parole de Dieu n’est point enchaînée ». (Col. 4,3 ; et 2Tim. 2,9) Remarquez qu’il ne mentionne pas seulement les chaînes », mais qu’il ajoute encore : « Comme un scélérat », pour élever d’autant la gloire qu’il tire de ces chaînes. Un double supplice lui a été infligé : il était enchaîné, et il l’était comme un scélérat. Car s’il eût été jeté dans les fers comme pour une bonne action, il trouverait quelque consolation dans cette circonstance même ; mais il l’a été comme un scélérat, comme un homme qu’on surprend dans une action criminelle, et il ne s’est pas inquiété de cette aggravation de châtiment. C’est ainsi que l’âme s’élève sur les ailes de l’amour divin. En effet, si ceux qui brûlent d’un amour déshonnête, n’estiment rien d’honorable et de précieux que ce qui peut servir à la satisfaction de leurs convoitises, de tells sorte que la femme qu’ils aiment est tout à leurs jeux, combien plus ceux que captive ce céleste amour méprisent-ils tout ce que les autres recherchent. Et il n’est pas étonnant que nous ne comprenions pas le sens sublime de ces paroles :.nous sommes tout à fait étrangers à cette haute philosophie. Celui qu’embrase ce feu du Christ, devient comme s’il était le seul homme vivant sur la terre, tant il n’a nul souci, ni de ce qu’on appelle la gloire, ni de ce qu’on appelle l’ignominie : il est aussi indifférent à tout cela que le serait celui qui se trouverait seul au monde. Il méprise les afflictions, les flagellations, les cachots, comme s’il endurait tout cela dans un autre corps que le sien, ou plutôt comme s’il avait un corps plus dur que le diamant. Et quant aux plaisirs de cette vie, il s’en moque, il est insensible à leur égard, comme nous le sommes à l’égard des corps morts, ou comme si nous étions morts nous-mêmes. Il est aussi éloigné de se laisser surprendre par quelque passion, que l’or pur et, éprouvé par le feu est exempt de toute souillure. Et de même que les moucherons se gardent bien de se laisser tomber au milieu de la flamme, mais s’en écartent ; de même les passions n’osent même pas s’approcher de ce feu divin. Je voudrais bien pouvoir tirer de nous-mêmes les exemples que j’ai à vous proposer à ce sujet ; mais, n’en trouvant pas, je suis forcé de recourir à celui-là.
Considérez donc de quelle manière Paul envisage le monde entier. « Le monde », dit-il, « est crucifié pour moi, et je suis crucifié pour le monde » (Gal. 6,14), c’est-à-dire, je suis mort au monde, et le monde est mort en moi. Et encore : « Ce n’est plus moi qui vis, mais c’est Jésus-Christ qui vit en moi ». (ibid. 2,20) Il n’appartient qu’à Paul de s’exprimer ainsi ; mais nous qui sommes au-dessous de lui, autant que la – terre est éloignée du ciel, nous n’avons qu’à nous cacher, dans notre confusion, sans oser même ouvrir la bouche. Et ce qui prouve qu’il regardait les choses présentes tout comme s’il eût été dans un désert, c’est ce qu’il dit ailleurs ; écoutez-le : « Nous ne considérons pas les choses visibles, mais les invisibles », (2Cor. 4,18. » Vous allez me dire : c’est précisément le contraire de ce que vous dites, qui est vrai : ce sont les choses invisibles que nous ne voyons pas, et les visibles que nous voyons. – Les yeux qui liens Ont été donnés par le Christ sont tels que