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Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 9, 1866.djvu/285

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ceux que vous aviez déjà : ceux-ci voient les choses visibles, ruais ne voient pas les invisibles ; il en est de même des autres, mais dans un sens inverse : aucun homme voyant les choses invisibles, ne voit les choses visibles ; aucun homme voyant les choses visibles, ne voit les Invisibles. Est-ce qu’il n’en est pas de même chez nous ? Car lorsque, recueillant notre esprit par la réflexion ; nous raisonnons sur quelque chose d’invisible, c’est à l’aide de certaines facultés sublimes qui deviennent comme des yeux pour nous.
Méprisons la gloire ; préférons les moqueries aux éloges ; celui dont on se' moque, n’en éprouve aucun mal ; mais celui qu’on loue et qu’on flatte, éprouve dé grands maux. N’attachons pas grande importance aux choses qui ont coutume d’effrayer les hommes, mais traitons-les comme des jeux d’enfants. Si nous apercevons quelqu’un qui se met à faire peur à des enfants, nous ne l’admirons pas pour, cela, car quel que soit d’ailleurs cet individu, il n’effraie, après tout, que des enfants, et n’aurait pas le pouvoir d’effrayer un homme. Physiquement, comment s’y prennent ceux qui cherchent à effrayer ? Ils relèvent les sourcils, ou contournent de toute autre manière leur visage, pour avoir l’aspect menaçant, et ceux qui ont le regard doux et bon ne pourraient y réussir : de même ; au sens moral, c’est comme en émoussant la perspicacité naturelle de l’esprit de leurs semblables qu’ils parviennent à leur fin. Aussi un homme doux et doué d’une belle âme n’effraie personne tout au contraire, nous le révérons tous, nous l’honorons, nous avons pour lui une crainte respectueuse. Ne voyez-vous pas comme l’homme qui cherche à se rendre terrible est pour vous un objet de haine et d’abomination ? Ne suffit-il pas que certaines choses puissent nous effrayer pour que nous nous en détournions avec horreur ? N’en est-il pas ainsi des bêtes féroces, de certaines voix, de certains spectacles, de certains lieux, de l’air même, par exemple, quand nous sommes dans les ténèbres ?
5. N’attachons donc pas une grande importance à ce que les hommes nous craignent. Car, premièrement, aucun homme ne nous craint véritablement. En second lieu, il n’y a aucune grandeur véritable à être nain. La grandeur vraiment estimable réside dans la vertu. Remarquez ce qui en fait la grandeur. Tout en considérant comme méprisables isolément, certaines choses dont elle se compose, nous la proclamons admirable et bienheureuse en elle-même. En effet, qui pourrait se refuser à proclamer bienheureux le philosophe, quoique la pauvreté et beaucoup d’autres choses pareilles semblent méprisables ? Ainsi, bien que le philosophe ne brille, pour ainsi dire, qu’à travers ce cortège de choses qui semblent méprisables, voyez à quelle hauteur incomparable il se place ! Tu es orgueilleux de ta puissance, ô homme ! Mais, dis-moi, n’est-ce pas des hommes que te vient le pouvoir que tu exerces ? Eh bien, cet empire que tu as au-dehors, exerce-le en toi-même et dans l’intérieur de ton être. Le véritable magistrat n’est pas celui qu’on appelle ainsi, mais celui qui l’est réellement. Car de même qu’un roi ne saurait faire un médecin, ni un orateur, de même ne saurait-il faire un magistrat ; ce qui fait le magistrat, ce n’est ni la missive qui l’investit de sa charge, ni le titre qui lui est conféré. – Une comparaison éclaircira ma pensée : Supposez qu’un homme établisse une officine de pharmacien ; qu’il y réunisse des élèves ; qu’il y place des instruments de chirurgie et des remèdes, et qu’il aille ensuite visiter des malades. Est-ce que tout cela suffit pour faire un médecin ? Nullement : il lui faut l’art et l’habileté, et à défaut de cette condition, non seulement toutes ces choses que nous venons d’énumérer ne servent de rien, mais encore sont dangereuses : car il vaut mieux que celui qui n’est pas médecin n’ait pas de remèdes à sa disposition. En effet, n’en ayant pas, il ne peut ni guérir ni tuer les malades ; mais s’il en a, comme en même temps il ne sait pas s’en servir : il ne peut que faire des victimes, l’efficacité des remèdes ne résidant pas seulement dans leur nature propre, mais encore dans fart et l’intelligence de celui qui les applique : sans cette condition, tout est perdu. Eh bien, il en est de même quand il s’agit d’un magistrat : il a à sa disposition dès armes, une voix souvent enflée par la colère, des licteurs, les proscriptions qu’il peut prononcer : il est comblé d’honneurs, de présents, d’éloges ; il a aussi ses remèdes, ce sont lés lois ; il a ses malades, ce sont les hommes qu’il gouverne ; il a son officine, c’est le tribunal ; ses élèves, ce sont les soldats : mais s’il ignore l’art du médecin, toutes ces choses ne lui serviront de rien. Le juge est le médecin