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Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 9, 1866.djvu/303

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ans, l’Asie trois ans, et deux ans à Rome, où il était venu pour la seconde fois, quand il y termina sa vie mortelle. « La première fois, dit-il, que j’ai défendu ma cause, nul ne m’a assisté ». (2Tim. 4,16) Nous venons devoir comment il échappa à ses ennemis : ce ne fut qu’après qu’il eût rempli l’univers entier de la parole évangélique, qu’il vint y finir sa vie.
Que voulez-vous apprendre touchant les choses qui ont suivi ? Elles ne sont pas différentes de celles qui précèdent : des chaînes, des tortures, des combats, des prisons, des embûches, des délations, les bourreaux faisant, chaque jour, de nouvelles victimes. N’avez-vous pas aperçu déjà une petite partie de ce tableau ? Représentez-vous tout le reste d’après cela.
Si vous attachez vos regards sur une partie déterminée du ciel, en quelque lieu que vous alliez ensuite, vous apercevrez la même chose. De même, si vous ne voyiez qu’en partie les rayons du soleil, vous pourriez, d’après cette impression, vous représenter l’image de cet astre. Ainsi en est-il de Paul. Vous avez vu une partie de ses actes : tous les autres leur ressemblent ; c’est-à-dire qu’en tous vous ne, trouvez qu’angoisses et périls. Paul était comme un autre ciel, bien supérieur au nôtre, puisqu’il était tout illuminé par le soleil de justice qu’il portait en lui, et non par ce soleil vulgaire. Croyez-vous donc que ce soit là peu de chose ? Pour moi, je ne le crois pas. Lorsqu’on parle de l’apôtre, immédiatement tout le monde songe à Paul ; lorsqu’on parle de « Baptiste », tout le monde songe à Jean. À quoi pourrait-on comparer son éloquence ? À la mer, à l’océan ? Mais il n’y a aucune parité. Les flots de sa parole sont bien plus pressés, ils sont bien plus limpides, et en même temps bien plus profonds que ceux de la mer. Pour donner une idée de l’âme de Paul, il faudrait la comparer à la fois au ciel et à ; la mer, à l’un pour sa pureté, à l’autre pour sa profondeur. Cette mer ne sert pas à porter les navigateurs d’une ville dans une autre ; elle les porte de la terre au ciel ; et celui qui se confie à ses flots sera sûr de naviguer avec un vent favorable. Sur cette mer les vents ne se déchaînent pas ; à leur place, c’est le souffle divin du Saint-Esprit qui enfle les voiles et conduit les âmes au port. Il n’y a ici ni soulèvement des vagues, ni écueils, ni monstres marins : le calme le plus profond y règne. Cette mort est plus tranquille et plus sûre que quelque port qu’on puisse imaginer ; les flots qu’elle roule ont l’éclat et la transparence même du soleil : cette mer ne renferme, dans ses abîmes, ni des pierres précieuses, ni le mollusque, non moins précieux, dont on extrait la pourpre ; elle renferme des trésors bien plus riches. Celui qui veut descendre au fond de cette mer, n’a pas besoin de plongeur ; ni de quelque autre artifice que ce puisse être : il n’a besoin que d’une grande philosophie : il y trouvera tous les biens que renferme le royaume des cieux. Que dis-je ? Il pourra lui-même devenir roi, étendre sa domination surie monde entier, et monter au faîte des plus grands honneurs. Sur cette mer, le navigateur n’éprouvera aucun naufrage, parce qu’il saura tout, et dans la perfection.
Mais il arrive, sur cette mer comme sur l’autre, que ceux qui s’y risquent sans aucune expérience, y trouvent la mort ; c’est en effet le sort qui attend, les hérétiques qui tentent ce qui est au-dessus de leurs forces. Il faut connaître la profondeur de cette mer avant de rien tenter. Avant donc de nous y embarquer, ceignons nos reins avec le plus grand soin. « Je n’ai pu, dit-il ; vous parler comme à des hommes spirituels, mais comme à des personnes encore charnelles ». (1Cor. 3,1) Que celui qui manque de patience, n’entreprenne pas cette navigation. Ayons soin de nous pourvoir d’avance de tout ce qui est nécessaire, je veux dire : du zèle, de la ferveur, des prières ; ce n’est que par ces moyens que nous pourrons tranquillement traverser les eaux vives de cette mer. Celui qui tient en main, pour sa défense, un glaive d’acier fortement trempé, est, pour ainsi dire, inexpugnable ; il en est ainsi de celui qui connaît Paul : son âme est si fortement trempée, qu’elle résiste à toutes les attaques. Mais ce n’est qu’à l’aide d’une vie pure que l’on peut comprendre les pensées de Paul. Voilà pourquoi il a dit lui-même : « Vous êtes comme des personnes à qui on ne devrait donner que du lait, parce que vous êtes devenus faibles et lents pour entendre ». (Héb. 5,11-12) Il existe, en effet, pour l’entendement une sorte d’infirmité. De même que l’estomac, quand il est malade, ne saurait recevoir les aliments, quelque sains qu’ils soient, s’ils sont de difficile digestion, de même l’âme enflée par l’orgueil,