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Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 9, 1866.djvu/306

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avait si bien étudié toutes les démarches comme toutes les paroles de l’apôtre saint Paul ? est-ce bien celui – là qui a pu transposer d’Éphèse à Corinthe deux faits aussi importants que celui du démon maltraitant les fils du juif Scéva qui tentaient de l’exorciser, et que celui des livres de magie brûlés en si grande quantité ? C’est là, encore une fois, quelque chose qu’on a de la peine à croire. Ce n’est pas non plus Paul, mais Sosthène qui fut battu. Il est bien vrai que l’on rencontre quelques lapsus memoriae dans saint Chrysostome ; il cite quelquefois un livre de l’Écriture pour un autre ; mais celui-ci serait bien fort. Toutefois, si l’on retranche cet endroit, le reste de la pièce est si bien fait, si bien tourné, qu’il me semble y reconnaître saint Chrysostome ; et ce qui m’empêche surtout d’adopter pleinement l’avis des hommes doctes qui nient l’authenticité de cette préface, c’est qu’elle se termine de telle manière que l’auteur de la première homélie semble prendre de là son point de départ comme s’il reprenait le fil de son discours. Pour preuve que la mémoire fait quelquefois défaut à saint Chrysostome, voyez le commentaire sur l’épître aux Galates, chap. 1,1, où le saint Docteur met Milésiens au lieu d’Éphésiens.

§ II.

– 1° Que les Homélies sur la première Épître aux Corinthiens furent prononcées à Antioche, selon le témoignage de saint Chrysostome lui-même. – 2° Qu’elles contiennent beaucoup de choses d’un grand intérêt touchant les philosophes profanes : – 3° Touchant les hérétiques Manichéens et Marcionites. – 4° Rite ridicule des Marcionites. – 5° Que les mœurs des chrétiens d’Antioche y sont censurées avec énergie. – 6° Diverses autres observations.


1° C’est dans la vingtième homélie que saint Chrysostome nous apprend qu’il prêchait à Antioche, et voici à quelle occasion : Il y avait dans cette ville beaucoup de riches avares, très peu portés à la pratique de l’aumône ; ils ne savaient que repousser durement, sans leur donner même une obole, les pauvres qui se présentaient sur leur passage. De leur côté, les pauvres usaient des moyens les plus barbares pour émouvoir la pitié ; les uns crevaient les yeux à leurs enfants ; les autres, pour attirer l’attention de la foule, mangeaient des cuirs de vieux souliers ; ceux-ci se plantaient des clous dans la tête, ceux-là demeuraient assis jusqu’au ventre dans de l’eau glacée ; d’autres avaient recours à des moyens encore plus singuliers et plus douloureux. La vue de ces horreurs émouvait ces citoyens opulents qui donnaient alors l’argent à pleines mains à ceux dont ils venaient de repousser les prières. Pour flétrir une pareille conduite, comme c’était son devoir, le saint Docteur ne trouve pas de termes assez forts ; et afin de les corriger par un exemple, il leur rappelle en la mémoire ces anciens habitants d’Antioche qui florissaient dans les temps apostoliques, qui furent les premiers appelés chrétiens, et qui prodiguaient si généreusement leurs biens pour subvenir aux besoins des pauvres et des églises. Mais parce que ces riches avaient coutume de renvoyer les indigents et les mendiants à l’église d’Antioche, qui jouissait de gros revenus, le savant Docteur leur répond que l’aumône faite par l’Église ne leur conférera aucun mérite s’ils ne donnent eux-mêmes largement pour le soulagement des pauvres. Saint Chrysostome nous dit dans une autre homélie que l’église d’Antioche pouvait, avec son seul revenu, pourvoir à l’entretien journalier de trois mille veuves et vierges. Il est donc constant, par le témoignage de saint Chrysostome lui-même, que ces Homélies furent prononcées à Antioche.
2° Les paroles de l’apôtre fournissent à l’orateur l’occasion de sorties fréquentes contre les philosophes profanes, contre les adorateurs des idoles. Il rapporte (troisième homélie) une dispute d’un platonicien avec un chrétien, dans laquelle un raisonne de part et d’autre avec tant d’irréflexion, que les deux adversaires en viennent jusqu’à parler contre leur propre cause et à plaider le contre-pied sans s’en apercevoir. Il n’est pas rare qu’il attaque Platon : il l’accuse d’avoir honoré des lieux auxquels il ne croyait pas (Hom. 29) ; il parle de son voyage en Sicile (Hom. 4) ; il dit que ce philosophe se fatigua longtemps autour du point de la ligne et des angles. Il cite des vers d’un poète inconnu, et raconte une histoire honteuse de la Pythie (Hom. 29). Il cite l’exemple de Socrate qui supportait sans se plaindre l’humeur fâcheuse et satirique de sa femme. À ce trait, les auditeurs ayant poussé de bruyants éclats de rire, l’orateur les réprimanda par ces paroles : « Vous riez aux éclats, et moi je gémis profondément lorsque je vois des païens se montrer plus sages que nous, à qui notre loi commande d’imiter les anges ; que dis-je de chercher à ressembler à Dieu lui-même par la mansuétude et la patience (Hom. 27) ». il parle aussi des athées Diagoras et Théodore (Hom. 4). Il dit çà et là quelques mots de Pythagore (Hom. 7). Il dit que c’était par vanité que Diogène, le cynique, habitait dans