Aller au contenu

Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 9, 1866.djvu/310

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

entretenait un commerce criminel avec sa belle-mère, et, loin d’en être humilié par la réprobation universelle, il faisait secte et savait inspirer à ses adeptes des sentiments d’orgueil. C’est ce qui fait dire à l’apôtre : « Et vous êtes encore enflés d’orgueil, et vous n’avez pas au contraire été dans les pleurs ». (1Cor. 5,2)
Quelques-uns, et c’étaient les moins mauvais, se laissaient entraîner par la gourmandise, jusqu’à manger des viandes offertes aux idoles, allaient s’attabler dans les temples des faux dieux, et perdaient tout. D’autres avaient entre eux des contestations et des querelles d’argent qu’ils portaient devant les tribunaux du dehors. Il y en avait aussi qui se promenaient pour se faire admirer parmi eux avec de longues chevelures : saint Paul veut qu’ils coupent cette parure qui ne convient qu’aux femmes.
Un autre abus grave existait : dans les églises, les riches mangeaient à part et ne partageaient point avec les pauvres. Les chrétiens de Corinthe avaient aussi le tort de tirer vanité des grâces qu’ils recevaient du Saint-Esprit ; il en résultait des jalousies très pernicieuses à la concorde de l’Église.
La doctrine touchant la résurrection était parmi eux assez chancelante. Quelques-uns ne croyaient que très faiblement à la résurrection des corps, n’étant pas complètement affranchis de la folie hellénique. La philosophie grecque produisait cette incrédulité ainsi que tous les autres maux. Les sectes entre lesquelles ils se partageaient, étaient elles-mêmes un emprunt fait à la philosophie. Car les philosophes étaient continuellement opposés, les uns aux autres ; chacun d’eux, par un vain désir de réputation et de domination, combattait les opinions des autres, et s’efforçait d’ajouter quelque chose aux découvertes antérieures.
Tels étaient aussi les chrétiens de Corinthe, parce qu’ils voulaient tout décider par la raison. Ils écrivirent à l’apôtre par l’intermédiaire de Fortrinat, de Stephanas et d’Achaïque, et ce fut aussi par le ministère de ceux-ci que Paul leur adressa son épître. Il le dit expressément à la fin de cette épître, à propos de la question du mariage et de la virginité sur laquelle il avait été consulté par eux : « Quant aux choses dont vous m’avez écrit… » (1Cor. 7,1). Pour lui il ne traite pas seulement dans sa lettre les sujets sur lesquels on lui avait écrit) mais d’autres encore qui concernaient leurs défauts dont il était parfaitement instruit.
Il charge Timothée de porter son épître, parce qu’il sait bien que quelque poids que sa lettre aurait, la présence de son disciple ne laisserait pas que d’y ajouter un appoint considérable. Comme ceux qui divisaient l’Église avaient honte de passer pour des gens que l’ambition faisait agir, ils imaginaient divers prétextes pour cacher la passion qui les travaillait ; ainsi ils prétendaient que leur enseignement était plus parfait, et leur sagesse plus relevée que celle des autres. C’est contre cette présomption que Paul s’élève tout d’abord ; il la regarde comme la racine d’où sortent les maux et les divisions qu’il veut détruire, et il use d’une très grande franchise. Les Corinthiens étaient ses disciples plus que tous les autres ; aussi leur dit-il : « Si je ne suis pas l’apôtre des autres, je suis du moins le vôtre ; vous êtes le sceau de mon apostolat ». (1Cor. 9,2) Cependant ils étaient plus faibles que les autres. C’est pourquoi il dit : « Je ne vous ai pas parlé comme à des hommes spirituels… je ne vous ai nourris que de lait et non de viandes solides, parce que vous n’en étiez pas alors capables ; et à présent même vous ne l’êtes pas encore ». (1Cor. 3,1, 2) Il ajoutait ces derniers mots pour qu’ils ne crussent pas que le reproche ne concernait que le passé. Au reste, il est vraisemblable qu’ils n’étaient pas tous corrompus, et même il y avait parmi eux des saints. Paul le donne à entendre, en disant : « Je me mets peu en peine d’être jugé par vous », et en ajoutant : « J’ai proposé ces choses en ma personne ». (1Cor. 4,3, 6) Comme donc tout le mal venait de l’orgueil et de la présomption de savoir plus que les autres, il commence par couper cette racine, et débute ainsi.
Traduit par M. JEANNIN.