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Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 9, 1866.djvu/323

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pourquoi on l’avait confiée à Paul. Et pourquoi n’étant pas envoyé pour baptiser, baptisait-il ? Ce n’était point par opposition à Celui qui l’avait envoyé, mais par surérogation. En effet il n’a pas dit : On m’a défendu de le faire, mais : Je n’ai pas été envoyé pour cela, mais pour une chose plus nécessaire. Évangéliser était l’œuvre d’un ou deux ; baptiser était au pouvoir de tout homme revêtu du sacerdoce.
En effet, baptiser un catéchumène, un homme convaincu, cela est donné à tout le monde ; car la volonté de celui qui approche fait tout, conjointement avec la grâce de Dieu. Mais amener des infidèles à la foi, c’est une fonction qui demande beaucoup de peines, beaucoup de sagesse, outre le danger qui s’y attachait alors. Dans le baptême, tout est fait, celui qui doit être admis au mystère est convaincu, et ce n’est pas merveille que de baptiser un homme convaincu. Ici il faut prendre beaucoup de peines pour changer la volonté et les dispositions, pour déraciner l’erreur et planter la vérité. Mais il ne dit point cela de la sorte, il ne le prouve pas, il n’affirme pas qu’il n’y a point de peine à baptiser et beaucoup à évangéliser, car il sait toujours être modeste ; mais quand il traite de la sagesse profane, il devient véhément et emploie, dès qu’il le peut, les termes les plus violents. Ce n’était donc point contre l’ordre de Celui qui l’avait envoyé qu’il baptisait, mais il en était ici comme quand les apôtres dirent à l’occasion des veuves : « Il n’est pas juste que nous abandonnions le ministère de la parole pour le service des tables ». (Act. 6,2) Il servait alors, non par esprit d’opposition, mais par surabondance de zèle. En effet, maintenant encore nous confions le soin de baptiser aux prêtres les moins capables, et la prédication aux plus instruits, parce qu’ici sont les labeurs et les difficultés. Voilà pourquoi l’apôtre dit lui-même : « Que les prêtres qui gouvernent bien soient doublement honorés, surtout ceux qui travaillent à la prédication de la parole et à l’instruction ». (1Tim. 5,17) Car comme c’est l’affaire d’un maître habile et sage de former les athlètes qui doivent lutter dans l’arène, tandis que décerner la couronne au vainqueur est au pouvoir de celui même qui ne sait pas combattre, bien que la couronne fasse ressortir l’éclat de la victoire ; de même, pour ce qui regarde le baptême, quoi qu’il soit nécessaire au salut, celui qui l’administre fait une chose toute simple, puisqu’il trouve une volonté préparée.
« Non pas dans la sagesse de la parole, pour « ne pas réduire à rien la croix de Jésus-Christ ». Après avoir rabattu l’orgueil de ceux qui s’estimaient pour avoir baptisé, il passe à ceux qui se glorifiaient de la sagesse mondaine, et les attaque avec vivacité. En effet à ceux qui s’enflaient pour avoir baptisé, il s’est contenté de dire : « Je rends grâce à Dieu de n’avoir baptisé personne », et de ce que le Christ ne m’a pas envoyé pour baptiser ; il n’emploie point de preuves, point d’expressions violentes, il insinue sa pensée en peu de mots et passe outre. Mais ici tout d’abord il frappe un grand coup en disant : « Pour ne pas réduire à rien la croix de Jésus-Christ ». Pourquoi vous glorifier d’une chose qui doit vous couvrir de honte ? Car si cette sagesse est l’ennemie de la croix et de l’Évangile, loin de s’en vanter, il faut en rougir. Voilà pourquoi les apôtres ne l’ont point eue, non que la grâce leur fît défaut, mais pour ne point nuire à la prédication. Ces sages selon le monde ébranlaient donc la doctrine, au lieu de l’affermir ; et les simples la consolidaient. Voilà de quoi confondre l’orgueil, détruire l’enflure et inspirer des sentiments de modestie. Mais, direz-vous, s’il en était ainsi, pourquoi donner mission à Apollon, qui était un savant ? Ce n’était pas qu’ils eussent confiance dans son talent pour la parole ; mais ils l’avaient choisi parce qu’il était instruit dans les Écritures et qu’il confondait les Juifs. Du reste on recherchait des hommes sans science pour occuper les premiers rangs et commencer à répandre la semence de la parole : car il fallait une grande vertu afin de repousser l’erreur dès l’abord ; il fallait un grand courage au début de la carrière. Si donc celui qui, dans les commencements, n’avait pas eu besoin de savants pour repousser l’erreur, les a ensuite admis, ce n’était pas par nécessité ni par défaut de discernement. Comme il n’avait pas eu besoin d’eux pour exécuter sa volonté, il ne les a cependant point rejetés quand ils se rencontrèrent plus tard. Dites-moi un peu : Pierre et Paul étaient-ils savants ? Vous ne pourriez le dire ; car ils étaient simples et sans lettres. Le Christ a agi ici, comme quand, envoyant ses disciples par toute la terre, après leur avoir d’abord montré