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Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 9, 1866.djvu/322

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ces mots : « Paul a-t-il été crucifié pour vous, ou avez-vous été baptisés au nom de Paul ! » Voyez son amour pour le Christ, voyez comme il ramène tout à son propre nom ; démontrant surabondamment que cet honneur n’appartient à personne. Pour ne pas paraître céder à un mouvement de jalousie, il se met lui-même continuellement en scène. Mais voyez aussi sa prudence ; il ne dit pas : Est-ce que Paul a créé le monde ? Est-ce que Paul vous a tirés du néant ? Mais il choisit ce qu’il y a de plus précieux aux yeux des fidèles, les preuves les plus sensibles de la Providence, la croix et le baptême, et les biens qui en découlent. Sans doute la création du monde prouve la bonté de Dieu, mais l’abaissement de la croix la prouve bien davantage. Et il ne dit pas : Est-ce que Paul est mort pour vous ; mais : « Est-ce que Paul a été crucifié pour vous ? » Désignant ainsi le genre de mort. « Où est-ce que vous avez été baptisés au nom de Paul ? » Il ne dit pas : Est-ce que Paul vous a baptisés ? Car il en avait baptisé beaucoup : mais il s’agissait de savoir au nom de qui, et non par qui ils avaient été baptisés. Et comme c’était précisément là l’origine du schisme, que chacun se rattachait à celui qui l’avait baptisé, il redresse cette erreur, en disant : « Est-ce que vous avez été baptisés au nom de Paul ? » Ne me dites point par qui, mais au nom de qui, vous avez été baptisés. Car il ne s’agit point de savoir qui baptise, mais quel est celui dont le nom est invoqué dans le baptême puisque celui-là seul remet les péchés. Il s’arrête là et ne va pas plus loin. Il ne dit pas : Est-ce que Paul vous a promis les biens à venir ? Est-ce que Paul vous a promis le royaume des cieux ? Pourquoi n’ajoute-t-il rien de cela ? Parce que autre chose est d’annoncer le royaume, autre chose d’être crucifié ; l’un est sans danger et n’entraîne point d’ignominie, l’autre renferme tous les deux. D’ailleurs, il conclut des uns aux autres, quand, après avoir dit : « Qui n’a pas épargné son propre fils », il ajoute : « Comment avec lui ne nous donnera-t-il pas aussi toutes choses ! » (Rom. 8,32) Et encore : « Si, quand nous étions ennemis, nous avons été réconciliés avec Dieu par la mort de son fils, à bien plus forte raison, une fois réconciliés, serons-nous sauvés ». (Id. 5,10) C’est pour cela qu’il n’a pas parlé de ces biens ; on ne jouissait point encore des uns, on avait déjà fait l’expérience des autres ; les uns n’étaient encore qu’en promesses, les autres étaient une réalité.
« Je rends grâce à Dieu de ce que je n’ai baptisé aucun de vous, si ce n’est Crispus et Caïus ». Pourquoi êtes-vous si fiers de baptiser, quand je remercie Dieu de n’avoir pas baptisé ? Par ces paroles, il guérit prudemment leur enflure, non en niant la force du baptême (ce qu’à Dieu ne plaise), mais en réprimant l’orgueil de ceux qui se vantaient d’avoir baptisé ; et pour cela il leur fait voir d’abord que ce don ne vient pas d’eux, et en second lieu il remercie Dieu à cette occasion. Sans doute le baptême est une grande chose, mais à cause de Celui qu’on y invoque, et non à cause de celui qui le donne. Baptiser n’est rien, quant à l’effort exigé de la part de l’homme ; évangéliser est beaucoup plus. Je le répète : le baptême est une grande chose, puisque sans lui on ne peut parvenir au royaume ; mais l’homme le plus vulgaire peut le donner, tandis que prêcher l’Évangile est une œuvre très laborieuse.
3. Il expose la raison pour laquelle il rend grâces à Dieu de n’avoir baptisé personne. Quelle est-elle ? « Pour que personne ne dise que vous avez été baptisés en mon nom ». Quoi donc ? Parlait-on de cela ? Non ; mais je crains, dit-il, que le mal n’aille jusque-là. Si, en effet, quand des hommes vils et sans valeur baptisent, il s’élève une hérésie ; si j’avais baptisé beaucoup de monde, moi qui ai annoncé le baptême, il est vraisemblable qu’un parti se formerait, lequel non content d’adopter mon nom, m’attribuerait aussi le baptême. Puisque le mal partant de si bas est déjà si grand, il le serait peut-être bien plus encore s’il avait pris sa source plus haut. Après avoir ainsi réprimandé ceux qui étaient déjà gâtés, et avoir dit : « Moi j’ai baptisé ceux de la maison de Stéphanas », il rabat de nouveau leur orgueil, en disant : « Du reste, je ne sais si j’en ai baptisé d’autres ». Par là il fait voir qu’il se soucie peu de se procurer cet honneur aux yeux du vulgaire, et qu’il n’est point venu pour cela. Et ce n’est pas seulement par ces paroles, mais encore par les suivantes qu’il refoule leur orgueil, quand il dit : « Le Christ ne m’a pas envoyé baptiser, mais prêcher l’Évangile ». Œuvre bien plus laborieuse, qui exigeait beaucoup de sueur et une âme de fer, et qui renfermait tout ; voilà