Aller au contenu

Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 9, 1866.djvu/336

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

voulons chercher par nous-mêmes ce qui est au-dessus de nous. Nous pouvons avoir une langue exercée, mais non des croyances solides ; par eux-mêmes nos raisonnements ressemblent à des toiles d’araignées. Quelques-uns ont poussé la folie jusqu’à soutenir qu’il n’y a rien de vrai, et que tout est contraire aux apparences. Ne vous attribuez donc rien, mais pour tout glorifiez-vous en Dieu ; n’attribuez jamais rien à personne. Car si l’on ne peut rien attribuer à Paul, encore bien moins à tout autre. « J’ai planté », dit-il, « Apollon a arrosé, mais Dieu a fait croître ». (1Cor. 3,6) Celui qui a appris à se glorifier en Dieu, ne s’enorgueillira jamais, mais il sera toujours modeste et reconnaissant. Tels ne sont pas les Grecs qui s’attribuent tout à eux-mêmes. Aussi élèvent-ils les hommes au rang des dieux, tant leur orgueil les a égarés ! C’est maintenant l’heure d’entrer en lutte avec eux. Où en sommes-nous restés hier ? Nous disions qu’humainement il n’était pas possible que des pêcheurs l’emportassent sur des philosophes ; et pourtant cela est devenu possible ; donc c’est évidemment l’effet de la grâce. Nous disions qu’il n’était pas possible qu’ils imaginassent de tels succès ; et nous avons montré qu’ils ne les ont pas seulement conçus, mais réalisés entièrement et avec une grande facilité.
Aujourd’hui nous traiterons ce point capital de la question, à savoir : d’où leur serait venu l’espoir de triompher du monde entier, s’ils n’avaient pas vu le Christ ressuscité. Dans quel accès de folie auraient-ils rêvé une chose si absurde, si téméraire ? Car espérer une telle victoire sans la grâce de Dieu, c’est assurément le comble de la démence. Et comment, dans le délire de la folie, en seraient-ils venus à bout ? Mais s’ils jouissaient de leur bon sens, comme l’événement l’a prouvé, comment douze hommes auraient-ils osé provoquer de tels combats, braver la terre et la mer, songer à réformer les mœurs du monde entier, si affermies par le temps, et soutenir l’assaut avec tant de courage, s’ils n’eussent reçu d’en haut des gages assurés, et n’eussent obtenu la grâce divine ? Bien plus encore : comment, en promettant le ciel et les demeures suprêmes, auraient-ils espéré convaincre leurs auditeurs ? Eussent-ils été élevés dans la gloire, dans la richesse, dans la puissance, dans l’instruction, ils n’auraient sans doute pas osé aspirer à une œuvre aussi hardie ; cependant leur espoir aurait eu quelque apparence de raison. Mais ce sont des pêcheurs, des fabricants de tentes, des publicains ; tous métiers les moins propres à la philosophie, les moins capables d’inspirer de grands projets, surtout quand il n’y a pas de précédents. Or, non seulement ils n’avaient pas d’exemples qui leur promissent la victoire, mais il y en avait, et de tout récents, qui leur présageaient la défaite. Plusieurs, je ne dis pas parmi les Grecs (il ne s’agissait pas encore d’eux alors), mais parmi les Juifs contemporains, pour avoir essayé d’innover, avaient péri ; et ce n’était pas à la tête de douze hommes, mais avec une multitude de partisans, qu’ils avaient mis la main à l’œuvre. En effet, Theudas et Judas, appuyés de nombreux partisans, avaient succombé avec eux. De tels exemples étaient bien propres à effrayer les apôtres, s’ils n’eussent été parfaitement convaincus qu’on ne peut triompher sans la puissance de Dieu. Et, même avec la confiance dans la victoire, quelle espérance les eût soutenus au milieu de tant de périls, s’ils n’avaient eu les yeux fixés sur l’avenir ? Supposons qu’ils comptaient triompher ! Mais à quels profits aspiraient-ils en menant le monde entier aux pieds d’un homme qui, selon vous, n’était point ressuscité ?
4. Si maintenant des hommes qui croient au royaume du ciel et à des biens infinis, ont tant de peine à soutenir les épreuves, comment les apôtres auraient-ils supporté tant de travaux sans espoir d’en rien recueillir, sinon des maux ? Car si rien de ce qui s’était réellement passé n’avait eu lieu, si le Christ n’était point monté au ciel, ceux qui forgeaient ces contes et cherchaient à les persuader aux autres, offensaient Dieu et devaient s’attendre à être mille fois frappés de la foudre. Que s’ils eussent eu un tel zèle du vivant du Christ, ils l’eussent perdu après sa mort ; car, n’étant pas ressuscité, il n’eût plus été à leurs yeux qu’un imposteur et un fourbe. Ne savez-vous pas qu’une armée, même faible, tient ferme tant que le général et le prince vivent ; et que, bien que forte, elle se dissout dès qu’ils sont morts ?
Quels motifs plausibles, dites-le-moi, les auraient déterminés à entreprendre la prédication et à parcourir le monde entier ? Quels obstacles ne les auraient pas retenus ? S’ils étaient fous (je ne cesserai de le répéter), rien, absolument rien, ne leur eût réussi : car personne