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Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 9, 1866.djvu/337

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ne croit à des fous. Mais s’ils ont réussi, comme le fait l’a prouvé, c’est donc une preuve qu’ils étaient les plus sages des hommes. Mais s’ils étaient les plus sages des hommes, il est évident qu’ils n’avaient point entrepris la prédication au hasard. Et s’ils n’avaient pas vu le Christ ressuscité, à quoi bon commencer une telle guerre ? Tout ne les en eût-il pas détournés ? Il leur a dit : Je ressusciterai dans trois jours : il leur a promis le royaume des cieux ; il leur a annoncé qu’après avoir reçu le Saint-Esprit ils soumettront la terre entière ; il leur a dit mille autres choses encore, infiniment élevées au-dessus de la nature. En sorte que, si rien de cela n’était arrivé, eussent-ils cru en lui pendant qu’il vivait, ils auraient cessé d’y croire après sa mort, s’ils ne l’avaient vu ressuscité. Ils auraient dit : Il avait annoncé qu’il ressusciterait après trois jours, et il n’est pas ressuscité ; il avait promis d’envoyer l’Esprit et il ne l’a pas envoyé ; comment croirons-nous à ce qu’il a dit de l’avenir, quand ce qu’il a dit du présent est convaincu de fausseté ? Comment auraient-ils prêché la résurrection d’un homme qui ne serait pas ressuscité ? Parce qu’ils l’aimaient, dira-t-on. Mais ils l’eussent dès lors pris en haine, lui qui les avait trompés, et trahis ; lui qui, par mille menteuses promesses, les avait arrachés à leurs maisons, à leurs parents, à tout ce qu’ils possédaient, lui qui, après avoir excité contre eux tout le peuple juif, les avait enfin abandonnés. Si c’eût été là un simple effet de faiblesse, ils l’eussent peut-être pardonné ; mais il fallait maintenant y voir une grande scélératesse. Car il devait dire la vérité, et ne pas promettre le ciel, puisque, selon vous, il n’était qu’un homme. C’était donc une conduite tout opposée qu’ils auraient dû tenir, c’est-à-dire proclamer qu’ils avaient été trompés et le dénoncer comme un fourbe et un charlatan ; par là ils eussent échappé aux dangers et mis fin à la guerre.
Si les Juifs ont payé des soldats pour dire que le corps avait été enlevé, quel honneur n’eussent pas obtenu les disciples s’ils avaient dit en passant : C’est nous qui l’avons enlevé, il n’est point ressuscité ? Ils pouvaient donc recevoir des honneurs et des couronnes. Pourquoi alors auraient-ils préféré les injures et les périls, si une force divine, plus puissante que tout le reste, ne les y eût déterminés ? Et si ce raisonnement ne vous convainc pas encore, faites celui-ci : Si les choses n’eussent pas été ainsi, quelque décidés qu’ils y fussent d’abord, ils ne l’auraient point pris pour sujet de leur prédication ; ils l’auraient au contraire pris en aversion : car vous savez bien que nous ne voulons pas même entendre prononcer le nom de ceux qui nous ont ainsi trompés. Et pourquoi l’auraient-ils prêché, ce nom ? Dans l’espoir de vaincre par lui ? C’était tout le contraire qu’ils devaient attendre puisque, même après la victoire, ils seraient morts en prêchant le nom d’un imposteur. Que s’ils voulaient jeter un voile sur le passé, il fallait se taire : car engager le combat, c’était donner un nouvel aliment à la guerre et au ridicule. D’où leur serait venue la pensée de forger de telles inventions ? Ils avaient perdu le souvenir de tout ce qu’ils avaient entendu. Et si, au rapport de l’évangéliste, ils avaient oublié bien des choses et n’en avaient pas compris d’autres, alors même qu’ils n’avaient rien à craindre ; comment tout ne leur aurait-il pas échappé, au milieu d’un si grand péril ? Mais à quoi bon dire cela, quand leur affection pour le maître était déjà affaiblie par la crainte de l’avenir, ainsi qu’il le leur reprocha lui-même un jour. Car comme suspendus à sa bouche, ils lui avaient souvent demandé auparavant : Où allez-vous ? et qu’ensuite après l’avoir entendu longuement exposer les maux qu’il devait subir dans le temps de sa passion, ils restaient bouche béante et muette de terreur, écoutez comme il le leur fait sentir, en disant : « Aucun de vous ne me demande : Où allez-vous ? mais parce que je vous ai dit ces choses, la tristesse a rempli votre cœur ». (Jn. 16,6, 6) Si donc ils étaient déjà tristes quand ils s’attendaient à sa mort et à sa résurrection ; comment, ne le voyant pas ressuscité, auraient-ils pu vivre ? Comment, découragés par la déception et épouvantés des maux à venir, n’auraient-ils pas désiré rentrer dans le sein de la terre ?
5. Mais d’où leur sont venus ces dogmes sublimes ? Et il leur avait annoncé qu’ils en entendraient de plus sublimes encore. « J’ai encore bien des choses à vous dire », leur disait-il, « mais vous ne pouvez les porter présentement ». Ce qu’il ne disait pas était donc encore plus élevé. Mais un des disciples, entendant parler de dangers, ne voulait pas même aller en Judée avec lui. « Allons-y aussi