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Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 9, 1866.djvu/339

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pas évident pour tout le monde que ce n’est point là l’effet de la puissance humaine, mais de la grâce divine ?
Méditons donc ces sujets, non seulement avec nous-mêmes, mais aussi avec les autres ; ce sera le moyen d’arriver plus facilement à ce qui doit suivre. Et ne dites pas que vous n’êtes qu’un artisan, et que ces études vous sont étrangères. Paul était fabricant de tentes, et pourtant (il nous le dit lui-même) il fut rempli d’une grâce abondante, et ne parlait que par son inspiration. Avant de l’avoir reçue, il était aux pieds de Gamaliel, et il ne la reçut que parce qu’il s’en était montré digne ; puis après, il reprit son métier. Que personne ne rougisse donc d’être ouvrier ; mais que ceux-là rougissent qui vivent dans l’inutilité et la paresse, qui ont besoin de beaucoup de soins et de nombreux serviteurs. Car il y a une sorte de philosophie à ne gagner sa nourriture que par son travail ; l’âme en devient plus pure, le caractère plus ferme. L’homme oisif parle bien plus au hasard, agit souvent sans but, passe des journées entières à ne rien faire, engourdi par la paresse ; chez l’ouvrier, au contraire, il y a peu d’actions, de paroles ou de pensées inutiles : car une vie laborieuse tend tous les ressorts de l’âme. Ne méprisons donc point ceux qui gagnent leur vie par leur travail ; félicitons-les plutôt. Quel mérite avez-vous, dites-moi, à passer votre vie à ne rien faire et à dépenser inutilement l’héritage que vous avez reçu de votre père ? Ne savez-vous pas que nous ne rendrons pas tous le même compte ? que ceux qui auront joui d’une plus grande abondance seront jugés plus sévèrement, tandis qu’on traitera avec plus d’indulgence ceux qui auront supporté les travaux, la pauvreté ou d’autres incommodités de ce genre ? La parabole de Lazare et du mauvais riche est là pour le prouver. Vous serez justement accusé, vous qui n’employez vos loisirs à la pratique d’aucun devoir ; mais le pauvre qui consacrait au devoir le temps que le travail lui laissait libre, recevra une riche couronne.
M’objecterez-vous que vous êtes soldat et que cet état ne vous laisse pas de loisir ? Mais cette excuse n’est pas raisonnable. Corneille était centurion, et cela ne l’empêchait point de remplir exactement ses devoirs. Quand il s’agit de fréquenter les danses et les comédies, de passer toute votre vie au théâtre, vous n’objectez plus l’état militaire ni la crainte des magistrats ; mais quand nous vous appelons à l’église, mille obstacles se lèvent. Et que direz-vous en ce jour terrible où vous verrez les torrents de flamme, les chaînes qui ne se brisent plus, où vous entendrez les grincements de dents ? Qui est-ce qui prendra votre défense, quand vous verrez l’ouvrier qui aura bien vécu, nager au sein de la gloire ; tandis que vous, jadis si mollement vêtu et respirant l’odeur des parfums, vous subirez des supplices sans fin ? À quoi vous serviront vos richesses et votre opulence ? En quoi la pauvreté nuira-t-elle à l’artisan ? Afin donc d’éviter ces malheurs, méditons ces paroles en tremblant, et employons tous nos loisirs aux œuvres nécessaires. Ainsi, après avoir obtenu de Dieu le pardon de nos fautes passées, et au moyen de nos bonnes œuvres à venir, nous pourrons obtenir le royaume des cieux, par la grâce et la bonté de Notre-Seigneur Jésus-Christ, avec lequel, gloire, puissance, honneur, au Père et au Saint-Esprit, maintenant et toujours, dans les siècles des siècles. Ainsi soit-il.