Aller au contenu

Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 9, 1866.djvu/361

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

5. Voulez-vous savoir combien notre maître, est bon ? Un publicain chargé d’iniquités, monte au temple, et pour avoir dit ces simples mots : « Ayez pitié de moi ! » (Lc. 18,13), il en sort justifié. Et Dieu nous dit, par la bouche du prophète : « Je l’ai un peu contristé à cause de son péché, et voyant qu’il s’en allait affligé et triste, j’ai corrigé ses voies ». (Is. 57,17-18) Quelle charité égale celle-là ? Parce qu’il était triste, nous dit-il, j’ai remis son péché. Pour nous, nous n’agissons pas ainsi ; et c’est par là que nous provoquons surtout la colère de Dieu. Celui que la moindre chose rend propice, a raison de s’irriter quand il ne rencontre pas cette disposition, et de tirer de nous la plus dure vengeance : car c’est le signe d’un extrême mépris. Mais qui s’attriste du péché ? qui en gémit ? Qui s’en frappe la poitrine ? qui s’en inquiète ? Personne, ce me semble. On pleure très longtemps la mort d’un serviteur, une perte d’argent ; et quand tous les jours nous donnons la mort à notre âme, nous n’en avons pas le moindre souci. Comment vous rendrez-vous Dieu propice, si vous ne savez pas même que vous avez péché ? Mais, dites-vous ; j’en conviens, j’ai péché. Oui, c’est un aveu de votre bouche ; mais faites-le aussi de cœur, et après l’avoir fait, gémissez, afin d’avoir toujours bon courage. En effet, si nous nous affligions de nos péchés, si nous gémissions de nos fautes, nous n’éprouverions aucune autre douleur, car celle-là écarterait toutes les autres. En sorte que nous retirerions encore de la confession ce nouvel avantage de n’être jamais absorbés par les calamités de la vie présente, ni enflés par le succès et la prospérité : et par là nous nous rendrions Dieu plus propice, au lieu de l’irriter par notre conduite, comme nous le faisons maintenant.
Dites-moi : si vous aviez un serviteur qui eût éprouvé beaucoup de mauvais traitements de la part de ses compagnons et n’en tînt aucun compte, uniquement occupé à ne pas irriter son maître, cela ne suffirait-il pas à apaiser votre colère ? Mais si, au contraire, sans s’inquiéter de ses torts à votre égard, il ne s’occupait que de ceux qu’il a eus envers ses compagnons, ne le puniriez-vous pas avec plus de sévérité ? C’est ainsi que Dieu se conduit quand nous nous soucions peu de son courroux, nous l’augmentons ; quand nous nous en inquiétons, nous l’adoucissons. Nous l’apaisons même entièrement : car il veut que nous nous punissions nous-mêmes de nos péchés, et, dans ce cas, il renonce à nous en punir lui-même. C’est dans cette vue qu’il nous menace, afin que la crainte nous empêche de le mépriser. Quand la menace suffit à nous détourner du mal, il ne permet pas qu’elle s’accomplisse. Voyez ce qu’il dit à Jérémie : « Ne voyez-vous pas ce qu’ils font ? « Leurs pères allument le feu ; leurs fils apportent du bois ; leurs femmes pétrissent la farine ». (Jer. 7,17-18) Il est fort à craindre qu’on n’en dise autant de nous. Personne ne cherche les intérêts de Jésus-Christ ; chacun cherche les siens propres. (Phil. 2,21) Leurs fils courent au libertinage ; leurs pères à l’avarice et à la rapine ; leurs femmes aux caprices du siècle ; elles excitent leurs époux, bien loin de les retenir. Tenez-vous sur la place publique ; interrogez les allants et les venants, vous n’en verrez pas un montrer de l’empressement pour des choses spirituelles, mais tous s’agitent pour des intérêts matériels.
Quand deviendrons-nous sages ? Combien de temps resterons-nous dans notre sommeil léthargique ? Ne sommes-nous pas rassasiés de maux ? À défaut de paroles, l’expérience nous apprend assez que tout est vanité et affliction ici-bas. Des hommes qui n’avaient que la sagesse du dehors et ne savaient rien de l’avenir, ont pu se convaincre du peu de valeur des choses présentes et par cela seul s’en détacher. Quel pardon pouvez-vous espérer, vous qui rampez à terre, qui n’avez pas la force de mépriser des biens futiles et passagers, et de les abandonner pour un bonheur immense et éternel ; vous qui êtes instruit et éclairé là-dessus par Dieu lui-même et avez reçu de lui de si grandes promesses ? Ceux qui, en dehors de ces promesses, ont su s’abstenir des biens de ce monde, nous prouvent assez par leurs exemples qu’il n’y a pas là de quoi enchaîner nos affections. En effet, quelles richesses espéraient-ils, en embrassant la pauvreté ? Aucune. Ils savaient seulement que la pauvreté est préférable aux richesses. Quelle vie espéraient-ils en renonçant aux plaisirs, en menant une existence austère ? Aucune. Mais pénétrant la nature des choses, ils sentaient que cela rendait l’âme plus sage et le corps plus sain. Animés donc des mêmes pensées ; et portant toujours en nous l’espérance des biens futurs, détachons-nous du présent, afin d’obtenir ces biens à