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Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 9, 1866.djvu/360

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seul corps. « Car personne ne peut poser d’autre fondement que celui qui a été posé, lequel est le Christ Jésus ». On ne peut poser le fondement qu’il n’y ait un architecte ; une fois le fondement posé, l’architecte disparaît.
4. Voyez comme il emploie des notions vulgaires pour démontrer son sujet. Voici ce qu’il veut dire : J’ai annoncé le Christ, je vous ai donné 1e fondement : voyez comment vous bâtissez dessus, si c’est pour la vaine gloire, pour attirer des disciples à des hommes. Ne faisons donc aucune attention aux hérésies car personne ne peut poser d’autre fondement que celui qui a été posé. Bâtissons donc sur lui, attachons-nous-y comme à un fondement, comme le sarment à la vigne, et qu’il n’y ait point d’intermédiaire entre le Christ et nous car, s’il s’en trouve un, notre ruine est immédiate. Le sarment tire de la sève parce qu’il tient au tronc ; un bâtiment reste debout parce que ses parties sont unies ; si elles viennent à se disjoindre, il tombe, faute d’appui. Ne tenons pas seulement au Christ, mais collons-nous à lui, en quelque sorte ; si une fois nous nous en, séparons, nous sommes perdus. Il est écrit : « En vérité, ceux qui s’éloignent de vous, périront ». (Ps. 72,27) Collons-nous donc au Christ, mais par les œuvres : il nous dit lui-même : « Celui qui garde mes commandements, demeure en moi ». (Jn. 14,21) Il emploie une foule de comparaisons peur nous prouver la nécessité de l’union. Voyez : il est la tête, et nous les membres ; or, peut-il y avoir un espace vide entre la tête et le reste du corps ? Il est le fondement, et nous l’édifice ; il est la vigne et nous les sarments ; il est l’époux, et nous l’épouse ; il est le berger, et nous les brebis ; il est la route, et nous les voyageurs ; nous sommes le temple, il en est l’habitant ; il est le premier-né, nous sommes les frères ; il est l’héritier, nous sommes les cohéritiers ; il est la vie, et c’est nous qui vivons ; il est la résurrection, et c’est nous qui ressuscitons ; il est la lumière, et c’est nous qui sommes éclairés.
Tout cela nous représente l’unité et n’admet aucun intermédiaire, aucun vide, si petit qu’il soit. Car celui qui est quelque peu séparé, le sera bientôt beaucoup. Si peu que le corps soit divisé par le glaive, il périt ; si peu que l’édifice se crevasse, il tombe en ruine : si peu que le sarment soit séparé de la racine, il devient inutile. Ainsi, ce peu n’est pas peu, mais presque tout. Donc, quand nous avons un peu péché, ou été un peu lâches, ne négligeons pas ce peu ; autrement il deviendra beaucoup. Ainsi, un manteau qui commence à se déchirer et qu’on néglige de réparer, se déchire en entier ; ainsi un toit dont quelques tuiles sont tombées sans qu’on se donne la peine de les remettre, détruit toute, la maison. Songeons à tout cela et ne négligeons jamais les petites fautes, pour ne pas tomber dans les grandes ; mais si nous les avons négligées et que nous soyons tombés au fond de l’abîme, ne désespérons cependant pas encore, de peur que notre tête ne s’appesantisse. Car, à moins d’une extrême vigilance, il sera bien difficile de remonter de là, non seulement à cause de la longueur de l’espace, mais à raison de la situation même. En effet, le péché est un abîme profond, où l’on est entraîné et brisé dans la chute. Comme ceux qui tombent dans un puits ont de la peine à en sortir et ont besoin que d’autres les retirent, ainsi en est-il de ceux qui s’enfoncent dans l’abîme du péché.
Jetons-leur donc des cordes et retirons-les ; non seulement il en faut pour les autres, mais aussi pour nous-mêmes, afin de nous lier et de remonter, non seulement de tout ce que nous sommes descendus, mais de beaucoup plus si nous voulons. Dieu nous aide ; lui « qui ne veut pas 1a mort du pécheur, mais qu’il se convertisse ». (Ez. 23,3) Que personne donc ne désespère, que personne ne se laisse atteindre par le vice des impies : car, « quand l’impie est descendu au fond de l’abîme, il méprise ». (Prov. 18,3) Ainsi ce n’est pas la multitude des péchés ; mais le sentiment de l’impiété, qui produit le désespoir. Eussiez-vous commis tous les crimes possibles, dites-vous à vous-mêmes : Dieu est bon et il désire notre salut. « Car quand vos péchés seraient rouges comme l’écarlate », nous dit-il, « je les rendrai blancs comme la neige » (Is. 1,13) ; je les changerai en un état contraire. Donc ne désespérons pas ; car tomber n’est pas aussi grave que de persévérer dans sa chute ; être blessé est moins terrible que de ne pas vouloir laisser guérir sa blessure. Et « qui se vantera d’avoir le cœur pur ? Qui osera se dire exempt de péchés ? » (Prov. 20,9) Je dis cela, non pour favoriser votre négligence, mais pour vous empêcher de tomber dans le désespoir.