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Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 9, 1866.djvu/365

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l’ouvrage de celui qui a bâti sur le fondement, demeure, celui-ci recevra sa récompense ; si l’œuvre de quelqu’un brûle, il en souffrira la perte ». S’il était question de disciples et de maîtres, ceux-ci ne devraient pas être punis parce que les autres n’auraient pas écouté. Aussi dit-il : « Chacun recevra son propre salaire selon son travail » ; non pas selon le résultat, mais selon le travail. Et si les auditeurs ne prêtaient aucune attention ? Il est donc clair qu’il s’agit ici des œuvres. Voici ce qu’il veut dire : Si quelqu’un, possédant la vraie foi, mène une vie coupable, il ne sera point sauvé du supplice par sa foi, puisque ses œuvres seront livrées au feu. Ce mot : « Brûle », signifie : Qui ne résistera pas au feu. Mais si un homme qui a des armes d’or doit traverser un fleuve de feu, il n’en sortira que plus éclatant ; s’il n’est revêtu que de foin, non seulement il n’opérera pas son trajet, mais il périra. Ainsi en est-il des œuvres. Paul ne parle pas de personnages réels et vraiment brûlés ; mais il veut simplement inspirer de la terreur et montrer qu’il n’y a pas de sécurité pour celui qui vit dans le péché. Aussi dit-il : « En souffrira la perte ». Voilà le premier supplice. « Cependant il sera sauvé, mais comme par le feu[1] ». Voilà le second. Et le sens est : Il ne périra pas comme ses œuvres, il ne sera pas anéanti ; mais il subsistera dans le feu.
Il appelle cela « être sauvé », direz-vous ; cela est vrai, mais non dans la signification ordinaire du mot, puisqu’il ajoute : « Comme par le feu ». Nous aussi nous avons l’habitude de dire : Il est sauvé du feu, en parlant des objets qui n’ont pas été immédiatement brûlés et réduits en cendre. Mais à ce mot de feu n’allez pas vous imaginer que ceux qui y brûlent sont anéantis. Ne vous étonnez pas non plus de ce que l’apôtre appelle ce châtiment être sauvé, car c’est son habitude d’user d’expressions adoucies dans les sujets pénibles, et vice versa. Par exemple le mot de servitude présente une idée désagréable ; mais Paul s’en sert dans un bon sens, quand il dit : « Réduisant en servitude toute intelligence sous l’obéissance du Christ ». (2Cor. 10,5) Et en retour il se sert d’un terme honorable pour un sujet odieux, en disant : « Le péché a régné » (Rom. 5,21), bien que le mot régner s’applique mieux à un objet plus digne. De même ici le mot : « Sera sauvé » ne signifie pas autre chose que l’intensité et la durée du supplice, comme s’il disait : Il sera tourmenté à jamais.
Il continue et dit : « Ne savez-vous pas que à vous êtes le temple de Dieu ? » Après avoir d’abord parlé de ceux qui déchirent l’Église, il s’adresse maintenant à l’incestueux, non ouvertement, mais vaguement, en faisant allusion à sa coupable conduite et faisant ressortir sa faute par le don qu’il a reçu. Il fait également rougir les autres, en rappelant ce qu’ils ont reçu. C’est ce qu’il ne manque jamais de faire, en tirant ses motifs, ou de l’avenir, ou du passé, ou du mal ou du bien ; de l’avenir, en disant : « Le jour du Seigneur mettra en lumière ce qui sera révélé par le feu » ; du passé : « Ne savez-vous pas que vous êtes le temple de Dieu, et que l’Esprit de Dieu habite en vous ? Si quelqu’un pro« fane le temple de Dieu, Dieu le perdra ». Voyez-vous la force de ces paroles ? Cependant tant que la personne est inconnue, le langage est moins pénible à supporter, parce que la crainte du blâme est partagée entre tous. « Dieu le perdra », c’est-à-dire, le fera périr. Ce n’est point une malédiction, mais une prédiction. « Car le temple de Dieu est saint ». Or le fornicateur est souillé. Après avoir dit, pour éviter une allusion personnelle : « Car le temple de Dieu est saint », il ajoute : « Et vous êtes ce temple. Que personne ne s’abuse ». Ceci s’adresse encore au coupable, qui se croyait quelque chose et se glorifiait de sa sagesse. Mais pour ne pas paraître l’attaquer hors ale propos et trop longtemps, après l’avoir jeté clans l’angoisse et dans l’épouvante, il revient à l’accusation générale, en disant : « Si quelqu’un d’entre vous paraît sage selon ce siècle, qu’il devienne fou pour être sage ». Du reste, il use ensuite d’une grande liberté de langage, vu qu’il les a assez vivement attaqués. Quelqu’un fût-il riche, fût-il noble, il est le plus vil de tous, s’il est esclave du péché. Il en est du pécheur comme d’un roi qui serait prisonnier des barbares et se trouverait par là le plus misérable des hommes. Car le péché est un véritable barbare qui n’épargne point l’âme assujettie à son joug et exerce sa tyrannie envers ses victimes.
4. En effet, rien n’est aussi déraisonnable, aussi insensé, aussi fou, aussi violent que le péché ; partout où il entre, il renverse, il confond, il

  1. Le feu du purgatoire, interprétation plus naturelle donnée par les autres Pères, et admise par le concile de Florence (dernière session).