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Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 9, 1866.djvu/397

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princes de la terre ; et vous voudriez qu’on entrât dans le ciel avec la licence, la volupté, l’ivrognerie, l’avarice et tous les autres vices ! Cela est-il acceptable ?
4. Ce n’est pas cela que je veux dire, reprend-on ; mais pourquoi le chemin de la vertu n’est-il pas large ? Si nous le voulons, il est très facile. Lequel est le plus facile, dites-moi, de percer les murailles, pour voler le bien d’autrui et être Ensuite jeté en prison ; ou de se contenter de ce que l’on a et de vivre sans crainte ? Et je n’ai pas tout dit. Lequel est le plus facile, dites-moi encore, de voler tout le monde, de jouir un moment d’une partie de ses vols, puis d’être torturé et flagellé éternellement ; ou de vivre quelque temps dans une honnête pauvreté, pour jouir ensuite d’un bonheur sans fin ? Ne parlons pas encore de profit, mais de facilité.
Lequel est le plus doux d’avoir eu un songe agréable et d’être réellement puni, ou d’avoir eu un songe pénible et de jouir du bonheur ? N’est-ce pas évidemment ce dernier cas ? Comment donc appelez-vous la vertu âpre et difficile ? Elle l’est en effet, eu égard à notre indolence. Mais le Christ nous dit qu’elle est facile et douce. Écoutez-le : « Mon joug est doux et mon fardeau léger ». (Mt. 11,30) Et st vous ne sentez pas qu’il est léger, c’est que vous n’avez pas l’âme forte. Car comme tout ce qui est lourd lui devient léger quand elle est forte, ainsi tout ce qui est léger lui devient lourd quand elle ne l’est pas. Qu’y avait-il de plus agréable que la manne, de plus facile à préparer ? Pourtant les Juifs se dégoûtaient de cette délicieuse nourriture. Quoi de plus cruel que la faim et due toutes les souffrances endurées par Paul ? Et i1 tressaillait de joie, et il se réjouissait, et il disait « Maintenant je me réjouis dans mes souffrances ». (Col. 1,24) À quoi cela tient-il ? À la différence des âmes. Si votre âme est ce qu’elle doit être, vous verrez la facilité de la vertu. Quoi, direz-vous, la vertu devient facile parla disposition de l’âme ? Pas uniquement pour cela, mais aussi par sa nature. – En effet, si elle était toujours difficile et le vice toujours facile, ceux qui sont tombés auraient raison de dire que le vice est plus facile que la vertu ; mais si l’une est difficile et l’autre facile au commencement, et qu’à la fin ce soit tout le contraire, et que cette fin, heureuse ou malheureuse, doive durer éternellement, lequel, dites-moi, est le plus facile à choisir ? Pourquoi donc un grand nombre d’hommes ne choisissent-ils pas le plus facile ? Parce que les uns ne croient pas, et que tes autres, tout en croyant, ont le jugement perverti, et préfèrent une jouissance éphémère à un bonheur éternel. – Donc c’est plus facile. – Cela n’est pas plus facile, mais c’est l’effet de la faiblesse de l’âme. Comme les fiévreux aiment à boire de l’eau froide, non parce qu’une jouissance d’un moment est préférable à une longue souffrance, mais parce qu’ils ne peuvent contenir un désir déraisonnable ; ainsi en est-il ici, tellement que si on les conduisait au supplice au milieu du plaisir, ils n’y voudraient point consentir. Voyez-vous combien le vice est plus facile ? Si vous le voulez, examinons encore ici la nature des choses. Quoi de plus doux, dites-moi, quoi de plus facile ? Mais ne jugeons point d’après là passion de la multitude ; car ce ne sont pas les malades, mais ceux qui se portent bien qu’on doit consulter. Quand vous me montreriez des milliers de fiévreux, recherchant ce qui est contraire à leur santé, au risque de souffrir ensuite ; je n’accepterais pas leur manière de voir. Lequel est le plus facile, dites-moi, d’ambitionner de grandes richesses, ou d’être au-dessus de cette ambition ? C’est ce dernier point, ce me semble ; et si vous n’êtes pas de mon avis, allons au fond des choses. Supposons un homme qui désire beaucoup et un homme qui ne désire rien : lequel de ces deux états vaut le mieux, lequel est le plus honorable ?
5. Mais laissons cela de côté : il est incontestable que le dernier est plus honorable que l’autre ; mais ce n’est point là la question ; il s’agit de savoir lequel des deux vit le plus facilement, le plus agréablement. Or l’avare ne jouit pas même de ce qu’il a ; il ne voudrait pas dépenser ce qu’il aime ; il couperait lui-même sa chair et en jetterait su loin les morceaux plutôt que de jeter son or ; tandis que celui qui méprise les richesses a au moins cet avantage qu’il jouit en toute liberté et sécurité de ce qu’il possède, et s’estime plus que ses biens Maintenant, lequel est le plus agréable, de jouir tranquillement de ce qu’on a, ou d’être esclave de la richesse jusqu’à n’oser toucher à ce que l’on possède ? C’est à peu près, ce me semble, comme si deux hommes avaient chacun une femme qu’ils aimassent