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Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 9, 1866.djvu/396

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vouloir ; mais vouloir ne suffit pas. – Vouloir suffit, si, vous voulez comme il faut, si vous faites ce qu’il faut faire quand on veut ; mais votre volonté n’est pas forte. Étudions cela dans d’autres sujets, si vous le voulez. Dites-moi : pour épouser une femme ; est-ce assez de le vouloir ? Non certainement : il faut chercher des entremetteuses, intéresser ses amis à l’affaire, se procurer de l’argent. Il ne suffit pas à un marchand de vouloir et de rester chez lui ; mais il faut louer un navire, se fournir de pilotes et de rameurs, emprunter de l’argent, et s’informer soigneusement des lieux et du prix des marchandises. Comment donc ne serait-il pas absurde de se donner tant de peine pour les choses de la terre et de se contenter de la volonté pour acheter le royaume du ciel ? bien plus, de ne pas même montrer une véritable bonne volonté ? Car celui qui veut comme il faut, fait tout ce qui peul le conduire à son but. En effet, quand la faim vous force à manger, vous n’attendez pas que les aliments viennent d’eux-mêmes à vous, mais vous faites tout pour vous les procurer ; quand vous avez soit ou froid, ou que vous éprouvez tout autre besoin, vous êtes également actif et empressé à soigner votre corps. Faites-en autant pour le royaume des cieux, et vous l’obtiendrez sûrement. Dieu vous a donné le libre arbitre précisément pour que vous ne l’accusiez pas de vous avoir contraint. Et vous vous fâchez de ce qui fait votre honneur ! J’en ai, en effet, entendu beaucoup dire : Pourquoi m’a-t-il rendu maître de ma propre volonté ? Quoi ! devait-il vous amener au ciel pendant que vous dormez ou que vous sommeillez, que vous vous adonnez à tous les vices, Une vous vivez dans la volupté ou dans les plaisirs de la table ? Mais vous ne vous seriez pas abstenu du mal. Car si vous ne vous en abstenez pas nous le coup de ses menaces ; ne seriez-vous pas devenu plus liche et beaucoup plus vicieux,s’il vous avait proposé le ciel pour récompense ? Et vous ne pouvez pas dire : Il m’a fait voir, des biens et né m’a pas aidé à les acquérir, car il vous promet de grands secours : Mais, dites-vous, la vertu est désagréable et pénible, tandis qu’un grand plaisir se mêle au vice ; l’un est large et spacieux, et l’autre étroite et resserrée. Eh dites-moi : en fut-il ainsi dès le commencement ? C’est malgré vous que vous parlez ainsi de la vertu ; tant la vérité a de force !
S’il y avait deux chemins dont l’un conduisît à une fournaise, et l’autre à un jardin, et que le premier fût large et le second étroit, lequel choisiriez-vous ? Vous aurez beau disputer et contredire, même jusqu’à l’impudence, vous ne détruirez pas des vérités acceptées de tous. Je m’efforcerai de vous prouver, par des exemples sensibles, qu’il faut choisir la voie qui est rude au commencement et ne l’est plus à la fin. Si vous le voulez, commençons par les arts ; ils sont très pénibles d’abord et deviennent ensuite lucratifs. Mais, dites-vous, personne ne s’y applique sans y être forcé ; si le jeune homme était maître de lui-même, il aimerait mieux vivre tout d’abord dans les délices, au risque de beaucoup souffrir à la fin, que de commencer par vivre misérablement pour recueillir plus tard les fruits de ses travaux. Donc c’est là une pensée d’enfant, d’orphelin, l’inspiration d’une paresse puérile ; la conduite opposée est celle de la prudence et du courage. Donc si nous ne sommes pas enfants par le caractère, nous n’imiterons pis, l’enfant privé de ses parents eu de sa raison, mais celui qui a son père. Donc il faut dépouiller cet esprit puéril, ne pas accuser les choses, et donner à la conscience un guide qui ne lui permette pas de se livrer à la bonne chère, mais l’oblige à courir et à combattre. Comment ne serait-il pas absurde que des enfants dépensassent leurs peines et leurs sueurs à des métiers dont les débuts sont laborieux et les profits ne viennent qu’à la fin, et que nous tinssions une toute autre conduite dans les affaires spirituelles ?
Et encore, dans les questions matérielles, n’est-on pas toujours sûr d’arriver à un bon résultat. Car une mort prématurée, la pauvreté, la calomnie, les vicissitudes des événements, et beaucoup d’autres causes semblables, peuvent nous priver des fruits de nos longs travaux. Et quand on atteint le but, on n’en retire pas grand avantage, puisque tout disparaît avec la vie présente. Mais ici nous ne courons pas pour des objets stériles et passagers, nous n’avons rien à craindre pour le résultat ; nous espérons, après le départ de cette vie, des biens plus grands et plus solides. Quel pardon, quelle excuse y a-t-il donc peur ceux qui ne, veulent pas travailler à acquérir la vertu ? On demande encore : Pourquoi la voie est-elle étroite ? On ne laisse pas entrer un débauché, un ivrogne, un libertin dans les palais des