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Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 9, 1866.djvu/433

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que les autres croient qu’il y réside certaines vertus qu’ils appellent dieux : l’apôtre dit aux premiers qu’une idole n’est rien dans le monde, et aux seconds qu’il n’y a pas d’autre Dieu que le Dieu unique.
3. Voyez-vous qu’il n’écrit pas cela simplement pour établir un dogme, mais aussi pour constater une différence avec les gentils ? Et c’est ce qu’il faut toujours observer chez lui, soit qu’il parle d’une manière absolue, soit qu’il s’adresse à des adversaires. Et cela ne contribue pas peu à rendre son enseignement précis et à nous donner l’intelligence de ses paroles. « Car, quoiqu’il y ait ce qu’on appelle des dieux, soit dans le ciel, soit sur la terre (or il y a ainsi beaucoup de dieux et beaucoup de seigneurs), pour nous cependant il n’est qu’un seul Dieu, le Père, de qui viennent toutes choses, et nous qu’il a faits pour lui ; et qu’un seul Seigneur, Jésus-Christ, par qui toutes choses sont et nous aussi par lui ». Comme il a dit qu’une idole n’est rien, qu’il n’y a pas d’autre Dieu, et que cependant il existait des idoles et ce qu’on appelait des dieux ; pour ne pas paraître aller contre l’évidence, il ajoute (si on les appelle dieux tels qu’ils sont, ils ne sont pas dieux, mais on leur donne ce nom : ils sont dieux de nom et non d’effet), il ajoute, dis-je : « Soit dans le ciel, soit sur la terre ». Dans le ciel il veut dire le soleil, la lune, et tout le chœur des astres, car les Grecs les adoraient ; sur la terre, il entend les démons et les hommes mis au rang des dieux. « Mais pour nous il n’est qu’un Dieu, le Père ». Après avoir d’abord dit, sans nommer le Père : « Il n’y a pas d’autre Dieu que le Dieu unique », et avoir rejeté tout le reste, il ajoute le mot Père. Ensuite, comme preuve très forte de divinité, il ajoute « De qui viennent toutes choses ». C’est en effet une preuve que les autres dieux ne sont pas dieux. Mort aux dieux qui n’ont pas fait le ciel et la terre ! Et ce qui suit n’est pas moins important : « Et nous qu’il a faits pour lui ».
En disant : « De qui viennent toutes choses », il veut parler de la création, de l’acte qui a donné l’existence à ce qui n’était pas ; mais quand il dit : « Et nous qu’il a faits pour lui », il tient le langage de la foi et exprime le lien propre qui nous unit à Dieu : vérité qu’il a déjà énoncée plus haut, en disant : « Et c’est de lui que vous êtes dans le Christ Jésus ». (1Cor. 1,30) Car nous sommes à lui doublement : par la création et par la vocation à la foi, qui est aussi une création : ce qu’il exprime ailleurs en ces termes : « Pour des deux former en lui-même un seul homme nouveau (Eph. 2,15), et un seul Seigneur, « Jésus-Christ, par qui toutes choses sont, et nous aussi, par lui ». Il faut penser la même chose du Christ. Car c’est par lui que le genre humain a été tiré du néant, et ramené de l’erreur à la vérité. En sorte que ces mots : « De lui », ne veulent pas dire dans le Christ puisque nous avons été faits de lui par le Christ. Il n’a donc pas attribué, comme par lot, au Fils le nom de Seigneur, au Père celui de Dieu. Car l’Écriture prend souvent ces termes l’un pour l’autre, comme quand elle dit : « Le Seigneur a dit à mon Seigneur », et encore : « C’est pour cela que Dieu, votre Dieu, vous a oint » (Ps.109 et 44) ; et ailleurs : « Auxquels appartient selon la chair, le Christ, qui est Dieu au-dessus de toutes choses ». (Rom. 9,5) Souvent vous verrez ces mots pris l’un pour l’autre. S’ils étaient ici attribués comme lot propre à chaque nature, le Fils, en tant que Fils, ne serait pas Dieu, Dieu comme le Père. Après avoir dit : « Nous n’avons qu’un Dieu », il eût été inutile d’ajouter « le Père », pour indiquer celui qui n’a pas été engendré ; il eût suffi de dire « Dieu », si Paul n’avait pas eu d’autre but. On peut encore donner une autre raison.
Si vous prétendez que quand on parle d’un seul Dieu, ce mot « Dieu » ne s’applique pas au Fils, faites attention qu’on peut en dire autant à propos du Fils. En effet, il est appelé « un seul Seigneur » ; cependant nous ne disons pas que ce mot ne convient qu’à lui seul. En sorte que cette expression « un seul » a la même valeur pour le Fils que pour le Père ; et comme, en disant que le Fils est le seul Seigneur, l’apôtre n’entend pas empêcher que le Père soit Seigneur comme le Fils ; de même en disant que le Père est le seul Dieu, il n’entend pas que le Fils n’est pas Dieu comme le Père. Que si quelques-uns disaient : Pourquoi ne fait-il aucune mention de l’Esprit, nous répondrions qu’il s’adressait aux idolâtres et qu’il s’agissait de savoir s’il y a plusieurs dieux et plusieurs seigneurs. Voilà pourquoi il a appelé le Père Dieu, et le Fils Seigneur. Si donc il n a pas osé appeler le Père Seigneur en même temps que le Fils, pour ne