Aller au contenu

Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 9, 1866.djvu/432

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

encore : voilà pourquoi il insiste souvent sur la charité, pourvoyant ainsi à la source de tous les biens. Pourquoi, leur dit-il, la science vous enfle-t-elle ? Elle vous nuira, si vous n’avez pas la charité. Qu’y a-t-il de pire que la jactance ? Mais avec la charité, la science est en sûreté. Si vous savez quelque chose de plus que votre prochain et que vous l’aimiez, vous ne vous enorgueillirez pas, mais vous lui communiquerez ce que vous savez. C’est pourquoi, après avoir dit : « La science enfle », il ajoute : « Mais la charité édifie ». Il ne dit pas : est modeste, mais il dit quelque chose de plus grand et de plus utile : car la science n’enflait pas seulement, elle divisait. Voilà pourquoi il oppose un terme à l’autre. Il donne ensuite un troisième motif pour les humilier. Lequel ? c’est que, même unie à la charité, la science n’est pas encore parfaite ; aussi ajoute-t-il : « Si quelqu’un se persuade savoir quelque chose, il ne sait encore rien comme il faut le savoir ». Voilà le coup mortel. Je n’affirme pas seulement, dit-il, que la science est commune à tout le monde ; qu’en haïssant votre prochain et vous enflant d’orgueil, vous vous faites un très grand tort ; mais eussiez-vous seul la science, fussiez-vous modeste et charitable envers vos frères, vous êtes encore imparfait, même au point de vue de la science : vous ne savez encore rien comme il faut le savoir. Que si nous n’avons aucune connaissance complète, comment quelques-uns ont-ils poussé la folie jusqu’à prétendre connaître Dieu parfaitement ? Eussions-nous la science parfaite de toute autre chose, il nous est impossible d’avoir celle-là. Car il n’est pas possible de dire la distance qui sépare Dieu de tout le reste.
Et voyez comme il abat leur orgueil ! Il ne dit pas : Vous n’avez pas une connaissance suffisante du sujet en question, mais : de quoi que ce soit. Il ne dit pas : vous, mais : qui que ce soit, même Pierre, Paul, ou tout autre. Par là il les console et les réprime tout à la fois. « Mais si quelqu’un aime Dieu, il est connu de lui ». Il ne dit pas : le connaît, mais : « Est connu de lui ». Car nous ne connaissons pas Dieu, mais Dieu nous connaît. Aussi le Christ disait-il : Ce n’est pas vous qui m’avez choisi, mais c’est moi qui vous ai choisis. (Jn. 15,16) Et Paul, dans un autre endroit : « Mais alors je connaîtrai comme je suis connu moi-même ». (1Cor. 13, 12) Considérez donc comment il rabat leur orgueil. D’abord il leur fait voir qu’ils ne sont pas seuls à savoir ce qu’ils savent : « Nous avons tous la science » ; ensuite que cette science est chose nuisible sans la charité : « La science enfle » ; puisque, même jointe à la charité, elle n’est point une chose complète et parfaite : « Si quelqu’un se persuade savoir quelque chose, il ne sait encore rien comme il faut le savoir » ; ensuite qu’ils ne tiennent point cette science d’eux-mêmes, mais qu’elle est un don de Dieu : car il ne dit pas : connaît Dieu, mais : « Est connu de Dieu » ; enfin, que c’est là l’effet de la charité qu’ils n’ont pas encore comme il faut : « Mais si quelqu’un aime Dieu, celui-là est connu de lui ». Après avoir par tous ces moyens guéris leur enflure, il commence à établir la doctrine, en disant : « À l’égard des viandes qui sont immolées aux idoles, nous savons qu’une idole n’est rien dans le monde et qu’il n’y a pas d’autre Dieu que le Dieu unique ».
Voyez dans quel embarras il est tombé ! Il veut prouver qu’il faut s’abstenir de ces tables, et que d’ailleurs elles ne sauraient nuire à ceux qui s’y assoient : deux choses qui ne semblent guère s’accorder entre elles. Car sachant que ces tables ne pouvaient nuire, les Corinthiens devaient y courir comme à des choses indifférentes ; et les en empêcher, c’était les porter à croire que c’était parce qu’elles avaient le pouvoir de nuire. Après avoir donc détruit l’opinion qu’on pouvait avoir des idoles, il donne pour première raison de s’en éloigner, ce scandale des frères, en disant : « À l’égard des viandes immolées aux idoles, nous savons qu’une idole n’est rien dans le monde ». Il fait encore de cette connaissance une chose commune, il ne veut pas qu’ils l’aient seuls, mais il l’étend à toute la terre. Ce n’est pas seulement chez vous, dit-il, mais c’est dans le monde entier que cette croyance est admise. Quelle croyance ? « Qu’une idole n’est rien dans le monde, et qu’il n’y a pas d’autre Dieu que le Dieu unique ». Il n’y a donc pas d’idoles ? point de statues ? Il y en a, mais elles sont absolument impuissantes ; ce sont des pierres et des démons, et non des dieux. Il s’adresse maintenant aux uns et aux autres, et à ceux qui sont plus grossiers et à ceux qui paraissent sages. Car, comme les uns ne voient rien au-delà de la pierre, et