Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 9, 1866.djvu/435

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

conscience, qui est faible, s’en trouve souillée ».
Il ne parle nulle part de la nature de la chose, mais toujours et partout de la conscience de celui qui y prend part. Il craint de blesser et d’affaiblir le fort, en voulant corriger le faible. C’est pourquoi il ménage autant l’un que l’autre. Il ne veut pas qu’on croie rien de semblable, mais il s’étend longuement pour enlever jusqu’au moindre soupçon là-dessus. « Ce ne sont point les aliments qui nous recommandent à Dieu. Car si nous mangeons nous n’aurons rien de plus ; et si nous ne mangeons pas, nous n’aurons rien de moins ». Voyez-vous comme il rabat encore leur orgueil ? Après avoir dit qu’ils ne sont pas seuls à avoir la science, mais que tous l’ont ; que personne ne sait rien comme il faut le savoir, puis que la science enfle ; ensuite, après les avoir consolés, en disant que tous n’ont pas la science, qu’il en est qui se trouvent souillés, par suite de leur faiblesse, de peur qu’on ne dise : que nous importe si tous n’ont pas la science ? pourquoi un tel ne l’a-t-il pas ? pourquoi est-il faible ? de peur, dis-je, qu’on ne lui fasse ces objections, il n’en vient pas immédiatement à prouver qu’il faut s’abstenir pour ne pas scandaliser le faible ; mais, préludant de loin à cette idée, il en traite d’abord une plus importante. Laquelle ? qu’il ne faut pas faire cela, quand même personne n’en souffrirait, quand même le prochain n’en serait pas entraîné à sa ruine ; car ce serait faire une chose inutile. En effet, celui qui sait que son action est nuisible à un autre mais profitable pour lui, n’est pas très disposé à s’en abstenir ; mais il n’y a pas de peine, quand il s’aperçoit qu’il n’a aucun avantage à en retirer. Voilà pourquoi Paul dit tout d’abord : « Ce ne sont point « les aliments qui nous recommandent à Dieu ». Voyez-vous comme il réduit à rien ce qui semblait le fruit d’une science parfaite ? « Car si nous mangeons, nous n’aurons rien de plus » ; c’est-à-dire, nous n’en serons pas plus agréables à Dieu, comme si nous avions fait quelque chose de bon et dé grand. « Et si nous ne mangeons pas, nous n’aurons rien de moins », c’est-à-dire, nous n’aurons rien perdu. Il prouve ainsi d’abord que c’est une chose superflue, que ce n’est rien : car ce qui ne sert à rien quand on le fait, et ne nuit pas quand on l’omet, est évidemment superflu.
5. Ensuite il va plus loin et montre que la chose est nuisible. Il parle du tort qui en résulte pour les frères. « Mais prenez garde que cette liberté que vous avez ne soit une occasion de chute pour ceux de vos frères qui sont faibles ». Il ne dit pas : La liberté que vous avez est une occasion de chute, il ne le décide même pas, pour ne pas les rendre plus audacieux. Que dit-il donc ? « Prenez garde », pour les épouvanter et en même temps les faire rougir et les amener à s’abstenir. Il ne dit point non plus : Votre science, ce qui semblerait un éloge ; ni : votre perfection, mais : « La liberté que vous avez » : ce qui indique mieux la témérité, l’orgueil et la présomption. Il ne dit point : À vos frères, mais : « À ceux de vos frères qui sont faibles » ; aggravant ainsi l’accusation, puisqu’ils n’ont point d’égards pour les faibles, même d’entre leurs frères. Vous ne corrigez pas, vous n’excitez pas au bien, soit ! mais pourquoi supplantez-vous, pourquoi faites-vous tomber, quand vous devriez tendre la main ? Vous ne voulez pas aider, du moins ne renversez pas. Si votre frère était méchant, il aurait besoin de punition ; il est faible, il n’a besoin que de remèdes. Et il n’est pas seulement faible, il est encore votre frère. « Car si quelqu’un vous voit, vous qui avez la science, assis à table dans un temple d’idoles, sa conscience, qui est faible, ne le portera-t-elle pas à manger des viandes sacrifiées ? » Après avoir dit : « Prenez garde que cette liberté que vous avez ne soit une occasion de chute », il fait voir comment cela peut arriver. Partout il parle de faiblesse pour qu’on ne croie pas que la chose est nuisible par elle-même et que les démons sont à craindre. Votre frère, dit-il, est sur le point de renoncer complètement aux idoles ; mais, en voyant que vous vous plaisez dans leurs temples, il prend cela pour une leçon et continue à y aller. Ainsi donc le piège ne vient pas seulement de sa faiblesse, mais aussi de votre conduite déplacée ; vous le rendez plus faible.
« Ainsi, par vos aliments, périra un faible, votre frère, pour qui le Christ est mort ». Deux choses, là, rendent votre faute inexcusable : il est faible et c’est votre frère. L’apôtre en ajoute une troisième, la plus terrible de toutes. Laquelle ? C’est que le. Christ a daigné mourir pour lui, et que vous, vous n’avez point d’égards pour sa faiblesse. Par là Paul rappelle à celui qui est parfait ce qu’il était autrefois, et que le Christ est aussi mort pour