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Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 9, 1866.djvu/436

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lui. Il ne dit pas : Pour qui vous devriez mourir, mais, ce qui est bien plus : « Pour qui le Christ est mort ». Et, quand votre Maître a consenti à mourir pour lui, vous n’en tenez aucun compte, au point de ne pas même vous abstenir, à cause de lui, d’un repas criminel ; au point de le laisser périr, après qu’il a été racheté à ce prix ; et cela (ce qu’il y a de pire), pour des aliments ? Il ne dit pas : À cause de votre perfection, ni : à cause de votre science, mais : pour des aliments. Voilà donc quatre chefs d’accusation, et des plus graves : C’est votre frère, il est faible, le Christ l’a estimé jusqu’à mourir pour lui, et, après tout, des aliments sont l’occasion de sa perte. « Or, péchant de la sorte contre vos frères et blessant leur conscience faible, vous péchez contre le Christ ». Voyez-vous comme il a amené, insensiblement et peu à peu, ce péché à sa plus haute expression ? Il revient encore sur la faiblesse. Il fait retomber sur leur tête tout ce qu’ils croyaient être à leur avantage. Il ne dit pas : Scandalisant, mais : « Blessant », pour faire ressortir leur cruauté par l’énergie du terme. Car quoi de plus cruel qu’un homme qui frappe un malade ? Or le scandale est la plus grave des blessures : souvent il entraîne la mort.
Et comment pèchent-ils contre le Christ ? D’abord parce que le Christ regarde comme siens les intérêts de ses serviteurs ; secondement, parce que ceux qu’on blesse, appartiennent à son corps et à ses membres ; en troisième lieu, parce qu’ils détruisent, par ambition personnelle, son ouvrage, ce qu’il a édifié au prix de sa propre mort. « C’est pourquoi, si ce que je mange scandalise mon frère, je ne mangerai jamais de chair ». Il parle ici comme un maître excellent qui pratique lui-même ce qu’il enseigne. Il ne dit pas : à raison ou à tort, mais : de quelque manière que ce soit. Je ne parle pas, leur dit-il, de la viande immolée aux idoles, qui est interdite pour d’autres raisons : mais si quelque autre chose, d’ailleurs permise et en mon pouvoir, devient un sujet de scandale, je m’en abstiendrai, non pas un jour ou deux, mais pendant toute ma vie : « Je ne mangerai jamais de chair ». Il ne dit pas : de peur de donner la mort à mon frère, mais simplement pour ne pas le scandaliser. Car c’est le comble de la démence de mépriser des êtres si chers au Christ, pour lesquels il a voulu mourir, de les mépriser, dis-je, jusqu’au point de ne pas vouloir s’abstenir d’aliments à cause d’eux. Et ceci ne s’adresse pas seulement aux Corinthiens, mais aussi à nous, qui dédaignons le salut de notre prochain et tenons ce langage diabolique. Car dire : que m’importe, si un tel se scandalise et se perd ? C’est montrer l’inhumanité et la cruauté de Satan. Alors le scandale provenait de la faiblesse de quelques-uns ; chez nous, il n’en est pas de même. Car nous commettons des fautes qui scandalisent même les forts. En effet, quand nous frappons, quand nous volons, quand nous nous livrons à l’avarice, que nous traitons des hommes libres comme des esclaves, qui n’en est pas scandalisé ? Ne me dites pas que l’un est savetier, l’autre teinturier, un troisième maréchal ; souvenez-vous que ce sont des fidèles et vos frères. Nous sommes les disciples de pêcheurs, de publicains, de fabricants de tentes : de celui qui fut nourri dans la maison d’un artisan, et daigna avoir son épouse pour mère ; qui, enveloppé de langes, fut couché dans une crèche ; qui n’eut pas où reposer sa tête, qui marcha jusqu’à se fatiguer, et fut nourri par des étrangers.
6. Pensez à cela et croyez que le faste humain n’est rien ; que le fabricant de tentes est votre frère, comme celui qui est monté sur un char, a ses domestiques et se fait faire place dans les rues, et l’est même plus que lui. Car il semble que celui-là est plus justement appelé frère, qui se rapproche de vous davantage. Et qui ressemble le plus aux pêcheurs ? Est-ce celui qui vit de son travail quotidien, qui n’a ni domestique ni domicile, mais est de tout côté accablé par la croix ; ou celui qui est environné d’un si grand faste, et agit contrairement aux lois de Dieu ? Ne méprisez donc pas celui qui est le plus votre frère : car il est le plus rapproché du modèle des apôtres. – Ce n’est pas volontairement, dites – vous, mais malgré lui ; car il travaille bien à contre-cœur. – Pourquoi dites-vous cela ? N’avez-vous pas entendu l’ordre : « Ne jugez pas, afin que vous ne soyez pas jugés ! » (Mt. 7,1) Et pour convaincre qu’il ne travaille pas malgré lui, approchez et offrez-lui dix mille talents d’or ; vous verrez qu’il les refusera. Si donc, bien qu’il n’ait point reçu les richesses de ses ancêtres, il les refuse néanmoins quand on les lut offre, et n’ajoute rien à ce qu’il possède, il