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Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 9, 1866.djvu/437

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donne une grande preuve de son mépris pour la fortune. Jean était fils du pauvre Zébédée ; nous ne dirons cependant pas que sa pauvreté n’était point volontaire. Ainsi, quand vous voyez un homme couper du bois, manier le marteau, tout couvert de suie, ne le méprisez pas pour cela ; admirez-le plutôt : car Pierre avait repris sa ceinture, ses filets et son métier de pêcheur, après la résurrection du Seigneur. Et que parlé-je de Pierre ? Paul, après avoir parcouru tant de contrées, opéré tant de miracles, se tenait dans son atelier de fabricant de tentes et cousait des peaux ; et les anges le vénéraient et les démons le redoutaient ; et il n’avait pas honte de dire : « Ces mains ont pourvu à mes besoins, et aux besoins de ceux qui étaient avec moi ». Que dis-je ? il n’avait pas de honte ! Il s’en glorifiait.
Mais, direz-vous, qui est aujourd’hui vertueux comme Paul ? – Personne, je le sais ; mais ce n’est pas une raison pour mépriser les vertus d’aujourd’hui. Un fidèle que vous honorez en vue du Christ, fût-il au dernier rang, est digne d’être honoré. En effet, si deux hommes, l’un général et l’autre simple soldat, tous les deux aimés du roi, venaient chez vous et que vous leur ouvrissiez votre porte, dans lequel des deux penseriez-vous le plus honorer le prince ? Évidemment c’est dans le soldat. Car le général, en dehors de l’amitié du roi, se recommande par d’autres titres à vos égards ; tandis que le simple soldat n’en a pas d’autre que l’amitié du roi. Aussi Dieu nous ordonne-t-il d’inviter à nos festins les boiteux, les estropiés, ceux qui ne peuvent rien donner en – retour, parce que ce sont là des bienfaits accordés uniquement en vue de Dieu. Mais si vous accordez l’hospitalité à un grand, à un homme illustre, l’aumône n’est pas aussi pure ; souvent la vaine gloire, l’avantage qui vous en revient, l’éclat qui en rejaillit sur vous aux yeux de la foule, y entrent pour quelque chose. J’en pourrais nommer beaucoup qui courtisent les plus illustres des saints, afin d’obtenir par leur intermédiaire plus de crédit chez les princes, et servir ainsi leurs propres intérêts et ceux de leurs maisons : ils sollicitent de ces saints beaucoup de services ; et par là ils perdent le mérite de leur hospitalité. Mais à quoi bon parler ici des saints ? Celui qui attend de Dieu même ici-bas la récompense de ses travaux et pratique la vertu en vue d’avantages présents, diminue sa récompense. Celui au contraire qui ne désire sa couronne que dans l’autre vie, est bien plus digne d’éloges : comme Lazare, qui y jouit de tous les biens ; comme les trois enfants qui, sur le point d’être jetés dans la fournaise ; disaient : « Il y a dans le ciel un Dieu qui peut nous sauver ; que s’il ne le fait pas, sachez, ô roi, que nous n’honorons pas vos dieux, et que nous n’adorons pas la statue d’or que vous avez dressée ». (Dan. 3,17) Comme Abraham qui amena et immola son fils, et cela sans espoir de récompense, ou plutôt en regardant comme une très grande récompense d’obéir à Dieu. Imitons-les. En agissant dans ce but, nous recevrons de grands biens en échange et de plus brillantes couronnes. Puissions-nous les obtenir tous par la grâce et la bonté de Notre-Seigneur Jésus-Christ, en qui appartiennent au Père, en union avec le Saint-Esprit, la grâce, l’empire, l’honneur, maintenant et toujours, et dans les siècles des siècles. Ainsi soit-il.