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Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 9, 1866.djvu/442

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moissonnions de vos biens temporels ? » Voyez-vous ce motif plus juste encore et plus raisonnable que les premiers ? Là, dit-il, la semence est matérielle, et le fruit matériel ; ici, au contraire, la semence est spirituelle et la récompense matérielle. Pour que ceux qui fournissent des aliments à leurs maîtres n’en soient pas trop fiers, il leur prouve qu’ils reçoivent plus qu’ils ne donnent. Car ce que les laboureurs recueillent est de la même nature que ce qu’ils sèment ; mais nous, nous semons de la semence spirituelle dans vos âmes et nous recueillons du matériel : car tel est l’aliment que l’on fournit. Ensuite, pour les faire encore mieux rougir : « Si d’autres », leur dit-il, « usent de ce pouvoir à votre égard, pourquoi pas plutôt nous-mêmes ? » Nouvelle raison encore, empruntée aussi à des exemples, mais d’une nature différente. Car ici il ne parle plus de Pierre, ni des apôtres, mais de certains prédicateurs illégitimes, qu’il combattra plus tard et dont il dira : « Si on vous dévore, si on prend votre bien, si on vous traite avec hauteur, si on vous déchire le visage » (2Cor. 11,20) ; et contre lesquels il escarmouche déjà. Aussi ne dit-il pas : Si d’autres reçoivent de vous ; mais pour montrer leur orgueil, leur esprit tyrannique, leurs vues intéressées, il dit : « Si d’autres usent de « ce pouvoir à votre égard », c’est-à-dire, vous dominent, exercent le pouvoir, vous traitent comme des serviteurs, et ne se contentent pas de recevoir, mais y mettent une grande ardeur et agissent d’autorité. C’est pourquoi il ajoute : « Pourquoi pas plutôt nous-mêmes ? » Ce qu’il n’aurait pas dit s’il se fût agi des apôtres. Il est évident qu’il a en vue certains personnages dangereux et imposteurs. Ainsi donc, indépendamment de la loi de Moïse, vous avez vous-mêmes prescrit par une loi de fournir des aliments.
Mais après avoir dit : « Pourquoi pas plutôt nous-mêmes ? » il ne s’attache point à en donner ta raison ; il se contente de s ; en remettre pour la preuve à leur propre conscience, voulant tout à la fois les effrayer et les faire rougir davantage. « Cependant nous n’avons point usé de ce pouvoir », c’est-à-dire, nous n’avons rien reçu. Voyez-vous comment, après avoir d’abord prouvé par tant de raisons qu’il n’est point contraire à la loi de recevoir, il dit à la fin : Nous n’avons rien reçu, pour ne pas paraître s’en être abstenu par nécessité ? En effet, il ne dit pas : Je ne reçois rien, parce que cela est défendis ; car cela est permis, comme je l’ai démontré par bien des preuves : par l’exemple des apôtres ; par le cours ordinaire de la vie ; par le fait du soldat, du laboureur, du berger ; par la loi de Moïse ; par la nature même des choses, puisque nous avons jeté en vous des semences spirituelles ; par ce que vous avez fait à l’égard des autres. Mais comme il a dit tout cela pour ne pas avoir l’air de jeter du blâme sur la conduite des apôtres qui recevaient, et pour les faire rougir et leur montrer qu’il ne s’abstient pas de la chose parce qu’elle est défendue : de même, pour ne pas paraître n’avoir donné ces preuves détaillées et ces nombreux exemples pour démontrer qu’il est permis de recevoir, qu’afin de demander à recevoir lui-même, il apporte aussitôt un correctif. Plus bas il dit en termes plus clairs : « Je n’écris donc pas ceci pour qu’on en use ainsi envers moi » ; mais ici, il se contente de dire : « Cependant nous n’avons pas usé de ce pouvoir ».
Et ce qu’il y a de plus important, c’est que personne ne peut dire que nous n’en avons pas usé parce que nous étions dans l’abondance, puisque nous n’avons pas même cédé à la nécessité quand elle nous pressait ; ce qu’il exprime encore dans la seconde épître, en ces termes : « J’ai dépouillé les autres églises en recevant ma subsistance pour vous servir ; et quand j’étais près de vous et que je me trouvais dans le besoin, je n’ai été à charge à personne ». (2Cor. 11,8- 9) Et dans celle-ci : « Nous avons faim, nous avons soif, nous sommes nus, nous sommes souffletés ». (1Cor. 4,11) Et encore cette allusion : « Mais nous souffrons tout » ; car en disant : « Nous souffrons tout », il entend parler de la faim, d’une grande pénurie et de toutes les autres misères. Et pourtant, veut-il dire, rien de cela ne nous a fait violer la loi que nous nous sommes imposée. Pourquoi ? « Pour ne pas mettre d’obstacle à l’Évangile du Christ ». Comme les Corinthiens étaient encore trop faibles Pour ne pas vous choquer en recevant de vous, leur dit-il, nous avons mieux aimé faire plus qu’il n’est commandé, que de mettre un obstacle quelconque à l’Évangile, c’est-à-dire, à votre instruction. Si donc, malgré le pouvoir que nous en avions, malgré la pressante nécessité où nous étions placés, et l’exemple des apôtres, nous ne l’avons pas fait. « Pour ne