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Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 9, 1866.djvu/446

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quelquefois, nous vous adresserions volontiers une question : Au sortir de cette vie, lorsque nous entendrons le Christ nous dire : « Vous m’avez vu avoir faim et vous ne m’avez pas donné à manger ; vous m’avez vu nu et vous ne m’avez pas vêtu » (Mt. 25,42), que dirons-nous ? Comment nous justifierons-nous ? Produirons-nous tel ou tel qui n’aura point obéi aux ordres, ou quelques prêtres suspects ? Est-ce que cela vous regarde ? nous dira le Christ. Je vous accuse des fautes que vous avez commises. Vous avez à vous laver de vos propres péchés, et non à me faire voir que d’autres les ont commis. C’est à cause de votre parcimonie que l’Église est obligée de conserver ce qu’elle a ; et si tout se passait selon les lois apostoliques, c’est votre bonne volonté qui devrait former ses revenus : ce qui lui serait un sûr coffre-fort, un trésor inépuisable. Mais comme vous thésaurisez pour la terre, que vous renfermez tout dans vos coffres, et qu’elle est forcée de dépenser pour les assemblées de veuves, pour les chœurs de vierges, pour les besoins étrangers, pour les malheureux voyageurs, pour les infortunés prisonniers, pour les malades et les estropiés, ou pour toutes les autres nécessités de ce genre, que faut-il faire ? Les repousser tous et fermer tous les ports ? Mais qui viendra au secours de tant de naufragés ? Qui répondra aux pleurs, aux lamentations, aux gémissements qui se font entendre de tous côtés ?
Ne parlons donc pas au hasard. À l’heure qu’il est, comme je l’ai déjà dit, nous sommes prêts à vous rendre des comptes : et quand cela ne serait pas, quand vous auriez des maîtres pervers, rapaces, avares, leur conduite coupable ne serait pas encore une excuse pour vous. Car le bon et très sage Fils unique de Dieu, qui voit tout et qui sait que dans la longue série des siècles et sur la vaste étendue du globe, il y a beaucoup de mauvais prêtres, de peur que leur négligence n’augmente la lâcheté de leurs subordonnés, et afin d’ôter tout prétexte qui en pourrait naître, a dit : « Les scribes et les pharisiens sont assis sur la chaire de Moïse ; ainsi faites tout ce qu’ils vous disent de faire, mais n’agissez pas selon leurs œuvres » (Mt. 23,2-3), montrant par là que, quand même vous auriez un mauvais maître, cela ne vous excuserait point de ne pas faire attention à ce qu’il dit. Car vous ne serez pas jugés d’après les actions de votre maître, mais d’après sa doctrine que vous n’avez pas suivie. Si donc vous accomplissez les commandements, vous pourrez vous présenter en toute assurance ; mais si vous dédaignez la doctrine, il ne vous servirait à rien de montrer une multitude de prêtres corrompus. Judas était apôtre, et cela n’excusera jamais les voleurs sacrilèges et les avares. Un accusé ne pourra pas dire : Il y a eu un apôtre voleur, sacrilège et traître ; ce sera au contraire une raison de plus pour nous faire condamner et livrer au supplice, de n’être pas devenus sages aux dépens des autres. Car tout cela a été écrit pour nous détourner de les imiter. Laissons donc de côté un tel et un tel, et occupons-nous de nous ; chacun rendra compte à Dieu pour lui-même. Afin que ce compte présente une vraie justification, réglons notre vie, tendons aux pauvres une main généreuse, bien convaincus que l’accomplissement des préceptes est notre seule apologie et qu’il n’y en a point d’autre. Si nous pouvons l’offrir, nous éviterons les intolérables supplices de l’enfer, et nous obtiendrons les biens futurs. Puissions-nous y parvenir tous par la grâce et la bonté de Notre-Seigneur Jésus-Christ, en qui appartiennent au Père, en union avec le Saint-Esprit, la gloire, l’empire, l’honneur, maintenant et toujours, et dans les siècles des siècles. Ainsi soit-il.