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Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 9, 1866.djvu/448

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aux autres les fonctions plus relevées. Puis, les enveloppant tous ensemble, pour qu’on ne dise pas : À quoi bon rappeler l’Ancien Testament ? Ne savez-vous pas que nous avons une loi plus parfaite ? Il pose quelque chose de plus fort que tout le reste, en disant : « Ainsi le Seigneur a prescrit lui-même à ceux qui annoncent l’Évangile de vivre de l’Évangile ». Il ne dit point : D’être nourris par les hommes ; mais comme pour les prêtres de l’ancienne loi, il a dit : « Du sanctuaire et de l’autel » ; de même ici il dit : « De « l’Évangile » ; et comme là il s’est servi du mot « manger », il se sert ici du mot « vivre » ; mais non trafiquer et thésauriser. « Car l’ouvrier mérite son salaire ». (Mt. 10,10) « Pour moi, je n’ai usé d’aucun de ces droits ». — Eh quoi ! dira-t-on, si vous n’en avez pas usé jusqu’à présent, vous voulez en user à l’avenir, et c’est pour cela que vous en parlez. — À Dieu ne plaise ! Car aussitôt il apporte le correctif, en disant : « Mais je n’écris pas ceci pour qu’on en use ainsi avec moi ».

Et voyez avec quelle force il refuse et repousse ce droit ! « Car j’aimerais mieux mourir que de laisser quelqu’un m’enlever cette gloire ». Et ce n’est pas une fois ou deux qu’il emploie cette expression, mais souvent. Il avait déjà dit plus haut : « Nous n’avons pas usé de ce pouvoir » ; et y revenant encore plus bas, il dit : « Pour ne pas abuser de mon pouvoir » ; et ici : « Je n’ai usé d’aucun de ces droits ». De quels droits ? De ceux indiqués par les exemples cités : le soldat, le laboureur, le berger, les apôtres, la loi, ce que j’ai fait chez vous, ce que vous faites chez les autres, les prêtres, les commandements du Christ ; tout cela prouvait mon droit, et rien de cela n’a pu me déterminer à violer la loi que je me suis imposée de ne rien recevoir. Et ne me parlez pas du passé ; sans doute je pourrais dire que j’en ai beaucoup souffert, mais ce n’est pas là-dessus seulement que je m’appuie ; je m’engage pour l’avenir, et j’aime mieux mourir de faim que d’être privé de cette couronne. « J’aimerais mieux mourir de faim que de laisser quelqu’un m’enlever cette gloire ». Il ne dit pas : Que de laisser quelqu’un m’enlever ma loi, mais : « ma gloire ». Et pour qu’on ne dise pas qu’il fait cela sans plaisir, mais avec tristesse et chagrin, il l’appelle sa gloire, voulant montrer par là l’abondance de sa joie et sa grande allégresse. Tant s’en faut qu’il s’en attriste, qu’au contraire il s’en glorifie, et qu’il aime mieux mourir que de se priver de cette gloire. Ainsi la vie même lui était moins chère que cette situation.

2. Aussi l’exalte-t-il encore d’une autre manière, et en fait-il ressortir la grandeur, non pour en recevoir lui-même de l’éclat (on sait combien ce sentiment lui est étranger), mais pour manifester sa joie et écarter jusqu’à l’ombre du soupçon. C’est pour cela, comme je l’ai déjà dit, qu’il l’appelle sa gloire. Que dit-il donc encore ? « Car si j’évangélise, la gloire n’en est pas à moi, ce m’est une nécessité, et malheur à moi si je n’évangélise pas ! Si je le fais de bon cœur, j’en aurai la récompense, mais si je ne le fais qu’à regret, je dispense seulement ce qui m’a été confié. Quelle est donc ma récompense ? C’est que, prêchant « l’Évangile, je prêche gratuitement l’Évangile du Christ, pour ne pas abuser de mon pouvoir dans l’Évangile ». Que dites-vous, Paul ? Ce n’est pas pour vous une gloire d’évangéliser, mais seulement d’évangéliser gratuitement ? Est-ce donc quelque chose de plus grand ? Non, mais c’est davantage sous un certain rapport : l’un est prescrit, et l’autre est l’effet de ma volonté. Or, ce qui se fait au-delà du commandement a par cela même un grand prix ; ce qui se fait par ordre n’en a pas autant. C’est pour cette raison, et non par la nature des choses que l’un l’emporte sur l’autre. Au fond, qu’est-ce qui égale la prédication ? Par elle on rivalise avec les anges ; cependant comme elle est un commandement et une dette, tandis que dans l’autre cas il y a acte de la bonne volonté, c’est en ce sens que nous établissons une préférence. Et c’est comme je viens de dire que Paul interprète, quand il dit : « Si je le fais de bon cœur, j’en aurai la récompense, mais si je ne le fais qu’à regret, je dispense seulement ce qui m’a été confié » ; prenant ces mots : « de bon cœur », et : « à regret » dans le sens de ce qui m’a été confié, ou : ne m’a pas été confié. De même ces expressions : « Ce m’est une nécessité », ne veulent pas dire qu’il agisse malgré lui, à Dieu ne plaise ! mais qu’il en est responsable comme d’un devoir à remplir, à la différence de la liberté de recevoir dont il a parlé. Voilà pourquoi le Christ disait à ses disciples : « Quand vous aurez tout fait, dites : Nous sommes des serviteurs inutiles ». (Lc. 17,10) Quelle est donc ma