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Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 9, 1866.djvu/449

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récompense ? « C’est que, évangélisant, je prêche gratuitement l’Évangile ». Quoi donc ? Et Pierre, dites-moi, n’a pas de récompense ? Qui en a jamais eu une pareille ? Et les autres apôtres ? Comment a-t-il pu dire : « Si je le fais de bon cœur, j’en aurai la récompense, mais si je ne le fais qu’à regret, je dispense seulement ce qui m’a été confié ? »

Voyez-vous encore ici sa prudence ? Il ne dit pas : Si je ne le fais qu’à regret, je n’aurai pas de récompense ; mais : « Je dispense seulement ce qui m’a été confié » ; montrant par là qu’il aura une récompense, mais celle de l’homme qui a exécuté un ordre, et non celle de celui qui agit de son propre mouvement, et plus que n’exige la loi. Quelle est donc la récompense ? « C’est que, prêchant l’Évangile, je prêche gratuitement l’Évangile, pour ne pas abuser de mon pouvoir dans l’Évangile ». Voyez-vous comme il emploie toujours ce mot de pouvoir, pour prouver ce que j’ai dit bien des fois, que ceux qui reçoivent ne sont point blâmables ? Il a ajouté : « Dans l’Évangile », pour spécifier, et en même temps empêcher qu’on ne donne trop d’extension au principe. Car c’est celui qui enseigne, et non celui qui ne fait rien qui doit recevoir. « Aussi, lorsque j’étais libre à l’égard « de tous, je me suis fait l’esclave de tous, pour en gagner un plus grand nombre ». Autre avantage ! C’est beaucoup sans doute de ne rien recevoir, mais ce qu’il va dire est encore beaucoup plus. Qu’est-ce donc ? non seulement, dit-il, je n’ai rien reçu, non seulement je n’ai pas usé de ce pouvoir, mais je me suis fait esclave, et dans tous les genres et dans les sens les plus variés. Et ce n’est pas seulement en argent, mais ce qui est bien plus, en toutes sortes de choses que j’ai donné des preuves de cette servitude volontaire ; je me suis fait esclave, alors que je n’étais soumis en rien à personne, et qu’aucune nécessité ne m’y forçait : car c’est le sens de ces mots : « Lorsque j’étais libre à l’égard de tous ». Je me suis fait l’esclave, non pas d’un homme, mais de l’univers entier ; c’est pourquoi il ajoute : « Je me suis fait l’esclave de tous ». J’avais sans doute reçu l’ordre de prêcher, d’annoncer ce qui m’était confié ; mais ces négociations, ces sollicitudes sans nombre ont été l’effet de mon zèle. J’étais seulement obligé de distribuer l’argent déposé en mes mains ; mais pour en obtenir, je mettais tout en œuvre, et je faisais plus qu’il ne m’était commandé. Comme il agissait en tout librement, avec allégresse et par amour pour le Christ, il avait un insatiable désir du salut des hommes.

C’est pour cela qu’il franchissait les barrières par un généreux excès, et s’élançait à travers tous les obstacles jusqu’au ciel. Après avoir parlé de son esclavage, il en détaille les modes divers. Quels sont-ils ? « Je me suis fait », dit-il, « comme Juif avec les Juifs, pour gagner les Juifs ». Et comment cela ? Quand il donnait la circoncision, pour détruire la circoncision. C’est pourquoi il ne dit pas : Juif », mais : « Comme Juif », par prudence. Que dites-vous ? Le héraut du monde entier, qui a touché le ciel même, en qui la grâce a jeté un tel éclat, daigne s’abaisser jusqu’à ce point ? Oui. Mais s’abaisser ainsi, c’est s’élever. Ne voyez pas seulement ici son abaissement, mais songez qu’il relève celui qui est à terre et qu’il l’attire à lui. « Avec ceux qui sont sous la loi comme si j’eusse été sous la loi, quoique je ne fusse plus assujetti à la loi, pour gagner ceux qui étaient sous la loi ».

3. Ou c’est une explication de ce qu’il a d’abord dit, ou il a quelque autre chose en vue ; appliquant le mot Juifs à ceux qui l’étaient dès le commencement, et entendant par « ceux qui sont sous la loi », les prosélytes ou ceux qui étant devenus fidèles, restaient encore attachés à la loi. Car ils n’étaient plus comme les Juifs, et cependant ils étaient sous la loi. Et comment Paul était-il sous la loi ? Quand il se rasait, quand il sacrifiait. Non qu’il fît cela pour avoir changé de conviction, car c’eût été un mal, mais par condescendance de charité. Pour convertir ceux qui pratiquaient encore sincèrement ces rites, il s’y prête lui-même, non sincèrement, mais par forme, n’étant pas Juif et n’agissant point de cœur. Et comment l’aurait-il pu, lui qui s’efforçait de convertir les autres ? En s’y prêtant, il voulait les délivrer de cet abaissement. « Avec ceux qui étaient sans loi, comme si j’eusse été sans loi ». Ceux-ci n’étaient ni des Juifs, ni des chrétiens, ni des Grecs, mais des gens en dehors de la loi, comme Corneille et autres de ce genre. En venant à eux, il feignait en bien des points de leur ressembler. Quelques-uns pensent qu’il fait ici allusion à la discussion