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Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 9, 1866.djvu/462

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pourrez persévérer » ; l’apôtre attribue tout à Dieu. « C’est pourquoi, mes très chers frères, fuyez l’idolâtrie (14) ». Il les traite encore une fois avec douceur, en leur donnant le nom de frères ; et il se hâte de les affranchir de l’idolâtrie ; il ne se borne pas à dire : retirez-vous de, mais, « Fuyez » ; et il appelle l’idolâtrie par son nom ; et ce n’est pas seulement à cause du scandale, qu’il ordonne de repousser l’idolâtrie, mais c’est que l’idolâtrie en elle-même est une peste qui fait des ravages. « Je vous parle comme à des personnes sages, jugez vous-mêmes de ce que « je dis (15) ». Il vient de parler d’une faute grave, il a chargé l’accusation de toute la gravité de ce nom, l’idolâtrie ; pour ne pas exaspérer les fidèles par des discours insupportables, il leur livre ses paroles à juger, et c’est d’une manière obligeante qu’il leur dit « Soyez juges ; je vous parle », dit-il, « comme à des personnes sages » ; langage d’un homme qui a toute confiance dans sa cause et dans son droit ; de cette manière il fait l’accusé juge de l’accusation. Voilà qui relève l’auditeur ; on ne lui impose ni ordre ni loi ; on le consulte, on a l’air d’attendre son jugement. Ce n’était pas ainsi que Dieu parlait aux Juifs insensés et frivoles ; il ne leur rendait pas toujours compte de ses prescriptions ; il se contentait de leur dicter ses ordres. Ici, au contraire, parce que nous jouissons d’une liberté supérieure, on nous consulte, on nous parle comme à des amis. Je n’ai pas, dit-il, besoin d’autres juges ; c’est à vous à décider de ce que je dis, c’est vous que je prends pour juges. « N’est-il pas vrai que le calice de bénédictions, que nous bénissons, est la communion du sang de Jésus-Christ (16) ? »

Que dites-vous, ô bienheureux Paul ? C’est pour la confusion de l’auditeur, sans doute, qu’en rappelant les redoutables mystères, vous appelez calice de bénédictions, ce calice terrible, et fait pour inspirer la crainte ? Oui certes, répond l’apôtre, car il ne s’agit pas d’une chose indifférente ; quand je dis « Bénédictions », je déploie tous les trésors de la bonté de Dieu, et je rappelle ses magnifiques présents. Nous aussi, nous passons en revue les ineffables bienfaits de Dieu, et tous les biens dont il nous fait jouir, lorsque nous lui offrons ce calice, lorsque nous communions, lui rendant grâces d’avoir délivré le genre humain de l’erreur, d’avoir rapproché de lui ceux qui en étaient éloignés, d’avoir fait, des désespérés, des athées de ce monde, un peuple de frères, de cohéritiers du Fils de Dieu. C’est pour rendre grâces de ces bienfaits et d’autres bienfaits du même genre, que nous nous approchons de Dieu. Quelle contradiction ne faites-vous pas voir, dit l’apôtre, ô Corinthiens, vous qui bénissez le Seigneur de vous avoir affranchis des idoles, et qui courez de nouveau à leurs festins. « N’est-il pas vrai que le calice de bénédictions, que nous bénissons, est la communion du sang de Jésus-Christ ? » Langage tout à fait conforme à la foi, et en même temps terrible, car voici ce qu’il veut dire : ce qui est dans le calice, c’est précisément ce qui a coulé de son côté, et c’est à cela que nous participons. Et maintenant il l’appelle calice de bénédictions, parce que nous l’avons dans les mains, lorsque nous célébrons le Seigneur avec admiration et pénétrés de crainte en méditant sur ses dons ineffables, en le bénissant d’avoir répandu son sang pour nous tirer de l’erreur, et non seulement de l’avoir répandu, mais de nous l’avoir, ce même sang, distribué à tous, comme s’il nous disait : Si vous désirez m’offrir du sang, n’ensanglantez pas les autels des idoles, en égorgeant des animaux ; ensanglantez mon autel de mon propre sang. Quoi de plus fait que ce langage, pour inspirer la terreur, pour inspirer l’amour ?

2. C’est ce que font ceux qui aiment, quand ils voient l’objet aimé, dédaignant leurs dons, préférer ceux des étrangers. Ils lui offrent ce qu’ils ont, afin de détacher son cœur de tous les autres présents. Mais les amants de ce monde prouvent leur générosité en donnant de l’argent, des vêtements, des objets quelconques, personne ne donne son sang. Le Christ, au contraire, le donne, prouvant ainsi l’intérêt qu’il nous porte et l’ardeur de son amour. Dans l’ancienne loi, les hommes, étant plus loin de la perfection, offraient du sang aux idoles, et Dieu daignait agréer ce même sang pour les écarter des idoles. Cela même était la preuve d’un amour ineffable ; mais il a fait plus, il a rendu l’œuvre sacerdotale plus redoutable, plus auguste. Il a changé l’essence même du sacrifice, et, au lieu d’égorger des animaux, c’est lui-même qu’il a commandé d’offrir. « Le pain que nous rompons n’est-il pas la communion du corps du Christ ? » Pourquoi ne dit-il pas : la participation ? C’est