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Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 9, 1866.djvu/463

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pour exprimer quelque chose de plus, pour indiquer une intime union ; car il n’y a pas seulement participation, partage, il y a union. De même que ce corps est uni au Christ, de même, nous aussi, par ce pain, nous sommes unis à Jésus-Christ même. Pourquoi ajoute-t-il : « Que nous rompons ? » C’est ce qui se pratique dans l’Eucharistie. Il n’en fut pas de même sur la croix ; ou plutôt, ce fut tout le contraire, car, dit l’Écriture : « Pas un seul de ses os ne sera brisé ». (Nb. 9,12 ; Ex. 12,46) Mais ce que le Christ n’a pas souffert sur la croix, il le souffre dans l’oblation à cause de vous. Et il veut bien être rompu, afin de rassasier tous les hommes. Maintenant, après avoir dit : « La communion du corps », comme ce qui se communique, est différent de ce à quoi il se communique, l’apôtre veut encore faire disparaître cette différence, quelque légère qu’elle pût paraître. Il a dit : « La communion du corps » ; il cherche une autre expression pour rendre une union encore plus intime ; c’est pourquoi il ajoute. « Car nous ne sommes tous ensemble qu’un seul pain et un seul corps (17) ».

Que parlé-je, dit-il, de communion ? Nous sommes précisément ce corps même. Qu’est-ce que le pain ? le corps du Christ. Que deviennent les communiants ? le corps du Christ ; non pas une multitude de corps, mais un corps unique. De même que le pain, composé de tant de grains de blé, n’est qu’un pain unique, de telle sorte qu’on n’aperçoit pas du tout les grains, de même que les grains y subsistent, mais impossible d’y voir ce qui les distingue dans la masse si bien unis ; ainsi, nous tous ensemble ; et avec le Christ, nous ne faisons qu’un tout. En effet, ce n’est pas d’un corps que se nourrit celui-ci, d’un autre corps que se nourrit celui-là ; c’est le même corps qui les nourrit tous. Aussi l’apôtre a-t-il ajouté : « Parce que nous participons tous à un même pain ». Eh bien, maintenant, si nous participons tous au même pain ; et si tous nous devenons cette même substance, pourquoi ne montrons-nous pas la même charité ? Pourquoi, par la même raison, ne devenons-nous pas un même tout unique ? C’est ce que l’on voyait du temps de nos pères : « Toute la multitude de ceux qui croyaient, n’avaient qu’un cœur et qu’une âme ». (Act. 4,32) Il n’en est pas de même à présent ; c’est tout le contraire. Des guerres innombrables, et sous toutes les formes, ne montrent que trop que nous sommes plus cruels que les bêtes féroces, pour ceux dont nous sommes les membres, et qui sont les nôtres. Et pourtant, ô homme, c’est le Christ qui est venu te chercher, toi qui étais si loin de lui, pour s’unir à toi ; et toi, tu ne veux pas t’unir à ton frère ? Tu n’y mets pas l’empressement que tu devrais montrer ; tu te sépares violemment de lui, après avoir obtenu du Seigneur une si grande preuve d’amour et la vie ! En effet, il n’a pas seulement donné son corps, mais, attendu que la première chair, tirée de la terre, était morte par le péché, il a introduit, pour ainsi dire, une autre substance, un autre ferment, c’est sa chair à lui, sa chair, de même nature que la nôtre, mais exempte du péché, sa chair pleine de vie, et le Seigneur nous l’a partagée à tous, afin que, nourris de cette chair nouvelle, et nous dépouillant de la première qui était morte, nous pussions entrer, par ce banquet, dans la vie immortelle.

« Considérez les Israélites selon la chair, ceux d’entre eux qui mangent de la victime immolée, ne prennent-ils pas ainsi part à l’autel (18) ? » Encore un effort, pour les amener par l’ancienne loi à l’intelligence de sa parole. En effet, comme ils avaient l’esprit beaucoup trop bas pour comprendre la sublimité de ses paroles, afin de les persuader, il les attaque par leurs vieilles habitudes. C’est avec raison que l’apôtre dit : « Israélites selon la chair », les chrétiens étant devenus israélites selon l’esprit. Voici ce qu’il veut dire aux fidèles ; les esprits, même les plus épais, vous enseignent que ceux qui mangent de la victime immolée, prennent part à l’autel. Voyez-vous comme il leur montre que ceux qui semblaient parfaits, n’avaient pas la science parfaite ? Eux qui ne savaient pas qu’en prenant part à la table des idoles, ils entraient en amitié avec les démons ; leurs relations les entraînant insensiblement. En effet, si, chez les hommes, participer au même sel, à la même table, est une occasion et un symbole d’amitié, c’est précisément ce qui peut arriver avec les démons. Quant à vous, observez qu’en parlant des Juifs, il ne dit pas qu’ils communiquent avec Dieu, mais « qu’ils prennent part à l’autel ». En effet, ce qui s’offrait autrefois sur l’autel devait être consumé par le feu. Pour le corps du Christ, il n’en est pas de même.