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Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 9, 1866.djvu/471

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être sauvés (33), soyez mes imitateurs comme je le suis moi-même de Jésus-Christ (11,1) »
3. Voilà la règle du christianisme, dans toute sa perfection ; voilà la définition à laquelle rien ne manque ; voilà la cime la plus haute, rechercher l’intérêt de tous. Ce que l’apôtre déclare, en ajoutant ces paroles : « Comme je le suis moi-même de Jésus-Christ ». En effet, rien ne peut nous rendre des imitateurs de Jésus-Christ, autant que notre zèle pour le bien du prochain. Vous aurez beau jeûner, coucher par terre, vous mortifier, si vous n’avez pas un regard pour votre prochain, vous n’avez rien fait. Quoi que vous ayez pu faire, vous demeurez bien loin de ce grand modèle. Or, ici, c’est une action qui porte en elle-même son utilité, que de savoir s’abstenir des offrandes consacrées aux idoles ; mais, dit l’apôtre ; moi qui vous parle, j’ai fait plus, j’ai fait nombre d’actions inutiles en elles-mêmes, comme quand j’ai subi la circoncision, quand j’ai sacrifié. En effet, ces observances, si on les recherche pour elles-mêmes, perdent ceux qui les pratiquent, et sont cause qu’ils compromettent leur salut. Toutefois je m’y suis soumis, à cause de l’utilité qui en résultait pour les autres. Mais ici rien de semblable : s’il n’y a pas d’utilité, s’il n’y a pas intérêt pour les autres, l’action est funeste ; au, contraire, ici, dans le cas même où personne n’est scandalisé, il convient pourtant de s’abstenir des choses défendues. Je ne me suis pas seulement, dit l’apôtre, assujetti à des choses nuisibles, mais pénibles. « J’ai dépouillé », dit-il, « les autres Églises, j’ai reçu d’elles ma subsistance » (2Cor. 11,8), et, quand il m’était permis de manger sans rien faire, ce n’est pas là ce que j’ai recherché ; mais j’ai mieux aimé mourir de faim que d’être un sujet de scandale. Voilà pourquoi il dit : « Par tous les moyens, je plais à tous ». Soit qu’il faille faire une chose contraire aux lois, soit qu’il faille entreprendre une œuvre laborieuse, une œuvre périlleuse, je supporte tout, pour l’utilité des autres. Et c’est ainsi que, supérieur à tous par la perfection de sa vie exemplaire, il était assujetti à tous par la condescendance de sa charité.
C’est qu’il n’est pas de vertu parfaite, si l’on ne recherche pas l’utilité d’autrui ; et c’est ce qui résulte de l’histoire de celui qui reporta le talent intact, et fut livré au supplice, parce qu’il ne l’avait pas fait fructifier. Eh bien toi, mon frère, supposé même que tu t’abstiennes de nourriture, que tu couches par terre, que tu manges de la cendre, que tu ne cesses de gémir, si tu es inutile au prochain, tu n’as rien fait. C’était là, en effet, autrefois, la première préoccupation des hommes grands et généreux. Considérez attentivement leur vie, et vous verrez, de la manière la plus évidente, qu’aucun d’eux ne considérait son intérêt propre, que chacun d’eux, au contraire, ne voyait que l’intérêt du prochain : ce qui a rehaussé leur gloire. Moïse a fait un grand nombre de grandes choses, de miracles et de prodiges ; mais rien ne l’a rendu si grand que cette bienheureuse parole qu’il adressa au Seigneur, en lui disant : « Si vous voulez leur pardonner cette faute, accordez-leur le pardon ; si vous ne le faites pas, effacez-moi aussi du livre que vous avez écrit ». (Ex. 32,32) Tel était aussi David, et voilà pourquoi il disait : « C’est moi qui ai péché, c’est moi qui suis coupable, qu’ont fait ceux-ci, qui ne sont que des brebis ? Que votre main se tourne contre moi, et contre la maison de mon père ». (2Sa. 24,17) C’est ainsi qu’Abraham ne recherchait pas son utilité propre, mais l’utilité du grand nombre. Aussi s’exposait-il au danger, et il adressait à Dieu des prières pour ceux qui ne lui étaient rien. Et voilà comment ces grands hommes se sont illustrés ; voyez, au contraire, quel tort se sont fait ceux qui ne recherchaient que leur utilité personnelle. Le neveu d’Abraham, après avoir entendu de lui ces paroles : « Si vous allez à la gauche, je prendrai la droite » (Gen. 13,9), ne considéra, ne rechercha que son utilité, et il ne trouva pas son intérêt. La région où il se rendit, devint tout entière la proie des flammes ; au contraire, le pays d’Abraham demeura hors d’atteinte. Jon. à son tour, pour n’avoir pas cherché l’intérêt du grand nombre, mais son utilité particulière, vint en danger de mort ; la ville subsista ; quant à lui, à la merci des flots, il y fut englouti. Et maintenant, quand Jonas rechercha l’utilité du grand nombre, il trouva en même temps son propre intérêt. C’est ainsi que. qui ne recherchait pas dans ses troupeaux un profit particulier, acquit de grandes richesses ; et Joseph, pour avoir recherché l’intérêt de ses frères, trouva aussi son intérêt propre. En effet, Joseph, envoyé par son père, ne dit pas Qu’est-ce que cela signifie ? Ne savez-vous pas