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Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 9, 1866.djvu/470

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soupçonneront le contraire de la vérité ; ils diront : Ces chrétiens, qui recherchent nos banquets, ne sont que des hypocrites ; ils accusent les démons, ils s’en détournent, et ils courent à leur table. Quoi de plus insensé que cette conduite ? Ce n’est donc pas le zèle de la vérité, c’est l’ambition, l’amour de commander, qui les a faits se ranger à ce dogme. Quelle démence égalerait la mienne, si pour tant de bienfaits, dont je dois rendre à Dieu des actions de grâces, je devenais une cause de blasphèmes ! Mais, me direz-vous, le païen tiendra le même langage, quand il verra que je ne m’inquiète pas, que je ne me renseigne pas. Nullement ; il n’y a pas partout des offrandes consacrées aux idoles, de telle sorte que vous ayez toujours des soupçons, et, si vous goûtez de ces offrandes, ce n’est pas parce qu’on les a consacrées aux idoles. Ne va donc pas, ô chrétien, t’embarrasser d’une enquête inutile ; mais ne va pas non plus, si tu es averti qu’un mets a été consacré aux idoles, en prendre ta part, car la grâce que le Christ t’a communiquée, la nature supérieure qu’il t’a donnée, au-dessus des souillures de ce genre, ce n’est pas pour que tu compromettes ta réputation ; ce n’est pas pour que tu uses des avantages précieux qui excitent tes actions de grâces, pour scandaliser les autres, et les porter à blasphémer.
Mais pourquoi, dira-t-on, ne dirai-je pas aux païens : je mange, et je ne suis en rien souillé, et je ne m’assieds pas à ces tables comme un ami des démons ? c’est que ces paroles ne persuaderaient personne, fussent-elles mille fois prononcées. Le païen est faible, et il est notre ennemi. S’il est impossible de persuader les frères, il sera bien plus impossible de persuader des ennemis et des païens. Si le fidèle s’abstient, par scrupule de conscience, de ce qui est offert aux idoles, à bien plus forte raison, l’infidèle. Quoi donc, dira-t-on encore, qu’avons-nous besoin de nous embarrasser de tant d’affaires ? Comment ! nous connaissons le Christ, nous lui rendons des actions de grâces, et, parce que les autres le blasphèment, sera-ce pour nous une raison de renoncer aussi à Jésus-Christ ? Loin de nous cette pensée, car il n’y a pas parité ; d’un côté, il y a un grand avantage pour nous à supporter le blasphème, mais ici il n’y aura aucun avantage. Aussi l’apôtre disait-il d’abord : « Si nous mangeons, nous n’en aurons rien davantage devant lui ; ni rien de moins, si nous ne mangeons pas ». (1Cor. 8,8) En outre il fonde sa défense sur une autre raison encore, et non seulement sur cette autre raison, mais sur les autres causes qu’il a dites : « Soit donc que vous mangiez, ou que vous buviez, ou quelque chose que vous fassiez, faites tout pour la gloire de Dieu (31) ». Voyez-vous, comme du sujet particulier qui l’occupait, il arrive à une exhortation générale, par cette unique mais admirable règle qu’il nous donne, de glorifier Dieu en toutes choses ? « Ne donnez pas occasion de scandale, ni aux Juifs, ni aux gentils, ni à l’Église de Dieu {32) » ; c’est-à-dire, ne fournissez à personne aucun prétexte, car votre frère s’offense, le Juif vous détestera davantage, et vous condamnera ; et le païen, faisant comme lui, vous appellera, en se moquant de vous, un glouton et un hypocrite.
non seulement il ne faut pas offenser les frères, mais, autant que possible, pas même les étrangers. Nous sommes la lumière ; et le ferment, et les flambeaux, et le sel ; nous devons illuminer et non répandre les ténèbres ; nous devons être un principe fortifiant et non dissolvant ; attirer à nous les infidèles, et non les mettre en fuite. Pourquoi donc poursuivre ceux qu’il faut attirer ? Les païens s’offensent de nous voir revenir à de pareilles coutumes, parce qu’ils ne connaissent pas notre pensée ; ils ne comprennent pas l’élévation supérieure de notre âme, au-dessus de toute souillure des sens. Et maintenant, les Juifs, et les plus faibles de nos frères, souffriront comme eux. Comprenez-vous pour quelles graves raisons l’apôtre nous interdit la participation aux viandes consacrées aux idoles ; l’inutilité, la superfluité, le dommage fait à notre frère ; les blasphèmes du Juif ; les mauvaises paroles du païen ; l’inconvenance de communier avec les démons ; l’espèce d’idolâtrie qu’il y a dans cette conduite. Et ensuite, après avoir dit « Ne donnez pas occasion de scandale » ; après avoir rendu les, fidèles responsables du mal fait, et aux païens et aux Juifs ; après les paroles sévères et pénibles, voyez comme il fait accepter son langage, comme il l’adoucit en intervenant lui-même personnellement par ces paroles : « Comme je tâche moi-même de plaire à tous, en toutes choses, ne cherchant point ce qui m’est avantageux en particulier, mais ce qui est avantageux à plusieurs, pour