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Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 9, 1866.djvu/476

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le corps de Jésus-Christ, une partie de ses membres, que Jésus-Christ est notre tête. Quant à ceux qui ne sont pas dans le corps, qui ne sont pas réputés des membres, il ne peut pas être leur tête. Aussi, lorsque l’apôtre dit : « De tout », il faut sous-entendre, fidèle. Voyez-vous comme, en toutes circonstances, il prend d’en haut ses inspirations pour faire rentrer en soi-même l’auditeur. Quand il parlait et de la charité, et de l’humilité, et de l’aumône, c’est d’en haut qu’il tirait ses exemples. « L’homme est le chef de la femme et Dieu est le chef de Jésus-Christ ». C’est ici que les hérétiques nous attaquent, s’imaginant qu’il résulte de ces paroles que le Fils est moindre que le Père ; mais ils ne font que s’attaquer eux-mêmes ; car si l’homme est le chef de la femme, si le chef et le corps sont de la même substance, si Dieu est le chef de Jésus-Christ, le Fils est de la même substance que le Père. – Mais, nous répondent-ils, nous ne voulons pas montrer par là qu’il soit d’une autre substance, mais qu’il est commandé par son Père. – Que leur répondrons-nous ? Ceci principalement : La modestie de l’expression appliquée au Dieu incarné, n’a rien qui rabaisse sa divinité, l’incarnation admettant cette expression. – D’ailleurs, parlez, soutenez votre dire. – Eh bien, nous répond-on, l’homme commande à la femme, c’est de la même manière que le Père commande au Christ. Le Christ commande à l’homme, et c’est de la même manière que le Père commande au Fils : car, dit l’apôtre, « Jésus-Christ est le chef et la tête de tout homme ». Qui jamais admettra ces pensées ? En effet, si la supériorité du Christ sur nous est la mesure de la supériorité du Père sur le Fils, comprenez-vous jusqu’à quel infime degré vous le rabaissez ?
Il ne faut donc pas établir une similitude parfaite entre Dieu et nous, quelle que soit la similitude des expressions : il faut reconnaître, à Dieu, une excellence propre, toute l’excellence qui appartient à la nature de Dieu. Sinon, les absurdités se dérouleront en foule. Réfléchissez : Dieu est le chef du Christ, le Christ est le chef de l’homme, l’homme est le chef de la femme. Eh bien, prenons, dans tous les cas, le mot chef, en lui donnant la même valeur ; voilà que le Fils sera au-dessous du Père, juste autant que nous sommes au-dessous du Fils. Mais ce n’est pas tout : la femme, à son tour, sera au-dessous de nous, juste autant que nous sommes au-dessous du Verbe divin ; et ce qu’est le Fils à l’égard du Père, nous le serons à l’égard du Fils ; et la femme le sera à l’égard de l’homme. Qui l’admettra ? Appliqué au Christ relativement à l’homme, le mot chef a une autre valeur qu’appliqué à l’homme par rapport à la femme ; donc aussi il a encore une autre valeur appliqué au Père par rapport au Fils. Et comment, me dira-t-on, déterminerons-nous la différence ? Par l’objet même que l’apôtre a en vue. En effet, si Paul eût voulu dire autorité et sujétion, comme vous le prétendez, il n’aurait pas parlé de la femme, il aurait proposé, comme exemple, l’esclave et le maître. Car si la femme nous est soumise, elle reste toujours femme, elle reste libre, elle reste notre égale en honneur. Et le Fils aussi obéit à son Père, mais il reste le Fils de Dieu, il reste Dieu. De même que le Fils a plus d’obéissance pour son Père, que les hommes n’en ont pour ceux qu’ils ont engendrés, de même, en lui, la liberté est plus grande. Et en effet, si les devoirs du Fils envers le Père sont plus impérieux pour lui, plus conformes à sa nature, que chez les hommes, ainsi en est-il des devoirs du Père envers le Fils. Car si nous admirons le Fils obéissant jusqu’à mourir, et jusqu’à mourir sur la croix, si nous disons qu’il y a là un merveilleux mystère, c’est un mystère également merveilleux que le Père ait engendré un tel fils, non pas un esclave de ses ordres, mais un Fils libre, obéissant, partageant ses conseils ; car le conseiller n’est pas un esclave. Et maintenant ce mot de conseiller ne veut pas dire que le Père ait besoin d’un conseiller, mais que le Fils est en honneur l’égal de son Père.
Il ne faut donc pas étendre trop loin cette comparaison tirée de l’homme et la femme. Chez nous ce n’est pas sans raison que la femme est soumise à l’homme ; car l’égalité d’honneur engendre la lutte ; cette sujétion, d’ailleurs, a une autre cause, la séduction de la première femme. La femme ne fut pas, aussitôt après sa création, assujettie à l’homme ; et, quand Dieu l’amena à son mari, elle n’entendit ni Dieu, ni son mari, lui parler de dépendante ; Adam lui dit seulement qu’elle était « l’os de ses os et la chair de sa chair » (Gen. 2,23) ; de commandement, ou de sujétion, il ne lui dit rien. Mais quand elle eut fait