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Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 9, 1866.djvu/486

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quelque petite chose, afin de les tenir dans l’inquiétude et de leur ménager la rentrée dans le bon chemin. « Car il faut qu’il y ait même des hérésies, afin qu’on découvre, par là, ceux d’entre vous qui ont une vertu éprouvée (19) ». Ce qu’il entend ici par hérésies, ce ne sont pas celles des dogmes, mais celles qui résultent des séparations de ce genre. Dans le cas même où il aurait entendu les hérésies dogmatiques, il n’aurait pas donné prise à ses contradicteurs. Car le Christ dit : « Il est nécessaire que les scandales arrivent » (Mt. 18,7) ; parole qui ne porte pas atteinte à la liberté de notre volonté, qui ne suppose pas une contrainte, une violence exercée sur notre esprit, mais annonce par avance un effet de la dépravation des pensées de l’homme ; un effet résultant, non de la prédiction, mais d’une maladie incurable de certains esprits. Ce n’est pas parce que le Christ les a prédites, que les erreurs se sont produites ; mais c’est parce qu’elles devaient se produire, que la prédiction les a annoncées. En effet, si les scandales provenaient de la nécessité, et non de la volonté de ceux qui les font éclater, cette parole n’aurait pas de sens : « Malheur à l’homme par qui le scandale arrive ». (Id) Mais nous avons déjà développé ces réflexions en leur lieu ; arrivons maintenant à notre sujet. L’apôtre parle des hérésies concernant les tables ; des contestations, des divisions qu’on y voyait ; la suite du texte le montre assez. Il commence par dire : « J’apprends qu’il y a des schismes parmi vous ». Il ne s’arrête pas là, il montre quels sont ces schismes ; il ajoute : « Chacun mange son souper particulier » ; et ensuite : « N’avez-vous pas vos maisons pour y boire et pour y manger ? Ou méprisez-vous l’Église de Dieu.(21, 22) ? » Sa pensée est évidente. S’il appelle ces désordres des schismes, n’en soyez pas surpris ; je l’ai déjà dit, il emploie ce mot pour les frapper. S’il se fût agi de schismes dans les dogmes, son langage aurait été bien plus rude.
Entendez-le faire un reproche de ce genre ; quelle véhémence pour confirmer, pour réprimander ! Exemple de confirmation de la vérité : « Quand un ange du ciel vous annoncerait un évangile différent de celui que vous u avez reçu, qu’il soit anathème » (Gal. 1,8) ; exemple de réprimande : « Vous qui voulez être justifiés par la loi, vous êtes déchus de la grâce ». (Ibid 5, 4) Et il lui arrive d’appeler chiens les corrupteurs, « voyez les chiens » (Phil. 3,2), ou « de dire qu’ils ont la conscience brûlée de crimes » (1Tim. 4,2) ; ou encore que ce sont des anges du diable. Mais ici rien de tel, son langage est doux et tempéré. Que dit-il ? « Afin qu’on découvre, par là, ceux d’entre vous qui ont une vertu éprouvée » ; afin qu’ils brillent d’un plus vif éclat. Voici ce qu’il veut dire : Ceux qui ne bronchent pas, ceux qui sont fermes, non seulement ne sont nullement atteints par son discours, mais ses paroles rehaussent leur vertu. En effet, le « afin que » ne marque pas toujours la cause finale, le « pour que », mais souvent aussi la simple réalité, le « de sorte que ». C’est ainsi que le Christ emploie le « afin que : Je suis venu dans ce monde pour exercer un jugement, afin que ceux qui ne voient point, voient, et que ceux qui voient, deviennent aveugles ». (Jn. 9,39) C’est ainsi que Paul lui-même, en dissertant sur la loi, écrit : « La loi est survenue, afin qu’elle donnât lieu à l’abondance du péché ». (Rom. 5,20) Mais ni la loi n’a été donnée pour augmenter les péchés des Juifs, ni le Christ n’est venu pour que ceux qui voient, devinssent aveugles, c’est plutôt afin que le contraire arrivât ; mais ce que l’on dit, c’est ce qui est arrivé. Eh bien, donnons ici le même sens aux mêmes mots « Afin qu’on découvre, par là, ceux d’entre vous qui ont une vertu éprouvée ». Les hérésies en effet ne se sont pas produites afin que l’on découvrît ceux qui avaient une vertu éprouvée ; mais, quand les hérésies sont venues, ce résultat s’est produit. Maintenant ces paroles de l’apôtre, c’est pour consoler les pauvres qui souffraient noblement un tel mépris. Aussi l’apôtre ne dit pas : pour qu’ils acquièrent une vertu éprouvée, mais : « Afin qu’on découvre, par là, ceux qui ont une vertu éprouvée ». Il reconnaît que, même auparavant, ils avaient cette vertu, mais ils étaient mêlés dans la foule, et la consolation qu’ils recevaient des riches, ne les rehaussait pas beaucoup. Mais maintenant ces divisions, ces contestations les ont mis en lumière, comme le pilote se révèle dans la tempête. L’apôtre ne dit pas non plus : afin qu’on découvre votre vertu éprouvée, mais : « Afin qu’on découvre ceux qui ont une vertu éprouvée », c’est-à-dire ceux d’entre vous