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Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 9, 1866.djvu/487

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qui se distinguent par là. En les accusant il ne désigne pas les coupables, afin de ne pas les rendre plus effrontés ; il ne les loue pas, afin de ne pas autoriser leur relâchement. Mais il fait entendre des paroles qui permettent le doute, et qui peuvent s’approprier à la conscience de chacun.
Et maintenant ici il ne me semble pas consoler seulement les pauvres, mais, avec eux, ceux qui continuaient à garder la coutume ; car il est vraisemblable que, dans le nombre, il y en avait qui l’observaient encore. De là, cette parole : « Et je le crois en partie ». C’est donc avec raison qu’il regarde comme étant d’une vertu éprouvée ceux qui non seulement avaient gardé cette coutume avec les autres, mais qui, dans l’isolement, conservaient, sans (altérer, cette loi si belle. Et ce que fait l’apôtre, c’est pour rendre les uns et les autres plus ardents au bien. Il détermine ensuite le caractère de ce péché. En quoi consiste-t-il ? « Lorsque vous vous assemblez, comme vous faites », dit l’apôtre, « ce n’est, plus manger « la cène du Seigneur, ». L’apôtre ne pouvait parler d’une manière qui fût plus propre à les confondre, et à leur : faire entendre un avis sous forme de récit. Une assemblée chrétienne, dit-il, a un autre caractère, c’est un effet de la charité, de l’amour fraternel ; sans doute, vous vous réunissez tous dans un seul et même lieu, et – vous êtes ensemble ; mais, pour ce qui est de la table, elle n’a plus rien d’une fraternelle assemblée. Et l’apôtre ne dit pas : Quand vous vous réunissez, vous ne mangez pas en commun ; il prend un autre tour, il les châtie d’une expression bien plus terrible, il leur dit : « Ce n’est plus manger la cène du Seigneur » ; il les transporte au soir même où le Christ a institué les redoutables mystères. C’est pour cela que Paul se sert ici du nom de « cène », pour rappeler la cène célèbre où tous les apôtres étaient assis à la même table. Et certes, il n’y a pas autant de différence entre les riches et les pauvres, qu’il y en avait entre le divin Maître et ses disciples : ici il y avait une distance infinie. Et, entre le divin Maître et ses disciples ? Réfléchissez à l’intervalle qu’il y avait entre le divin Maître et le traître ! Et cependant ce traître lui-même était à la même table avec eux, et le Christ ne le chassa pas. Il partagea le sel avec lui, et il l’associa à ses mystères.
3. L’apôtre explique ensuite comment ce n’est plus manger la cène du Seigneur. « Car, chacun y prend d’avance son souper, et le mange ; et l’un a faim, pendant que l’autre est ivre (21) ». Voyez-vous comme il leur fait voir leur honte ? Comme il leur fait comprendre qu’ils s’approprient ce qui appartient au Seigneur, qu’ils se déshonorent eux-mêmes en ôtant à leur table, ce qui en constituait la plus haute dignité. Comment, et de quelle manière ? Parce que c’est la cène du Seigneur ; or ce qui appartient au Seigneur doit être commun, les biens du maître n’appartiennent pas, en effet, à tel esclave ou à tel autre ; ils appartiennent, en commun, à tous. Cette expression « du Seigneur », signifie donc, ce qui est commun. Si c’est la chose de ton Seigneur, comme, c’est vrai en réalité, tu n’en dois arracher aucune partie, pour te l’attribuer en propre. Ce qui appartient au Seigneur, il faut le servir, en commun, à tous ; car c’est là le caractère de ce qui appartient au Seigneur ; et tu ne veux pas que cela soit regardé comme appartenant au Seigneur, puisque tu ne veux pas que cela soit commun, puisque tu manges à part. Aussi l’apôtre, dit-il : « Car chacun y prend d’avance son souper ». Et il ne dit pas : Tire sa part, mais : « Prend d’avance », censurant doucement (impatience de la gourmandise ; sa pensée s’explique parce qui suit ; après ce qu’il vient de dire, il ajoute : « Et l’un a faim, tandis que l’autre est ivre » ; double preuve que l’on ne gardait pas la mesure. D’un côté, le manque, de l’autre, l’excès. Et voilà la seconde accusation qu’il leur jette à la face. Première accusation, ils déshonorent leur table ; seconde accusation, ils se remplissent le ventre et s’enivrent ; et cela, ce qui est plus grave, lorsque les pauvres ont faim. Tous devaient prendre leur part du repas commun ; mais il y en avait qui engloutissaient, à eux seuls, tout 1e repas, et, s’abandonnant à une voracité insatiable, ils tombaient dans l’ivresse. Aussi l’apôtre ne dit-il pas : l’un a faim, l’autre se rassasie ; mais : « L’autre est ivre ». Double sujet de justes reproches ; car l’ivresse, même sans y joindre le mépris des pauvres, est un motif d’accusation ; le mépris des pauvres, sans l’ivresse, suffit encore pour rendre coupable ; mais maintenant, joignez ces deux fautes ensemble, et calculez le degré de la dépravation !
Ensuite, après avoir montré l’excès du désordre, il se livre à toute son indignation, il