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Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 9, 1866.djvu/505

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grands personnages, ces hommes admirables, en les soumettant aux mêmes traitements ; s’il éprouvait, celui-ci par la pauvreté, cet autre, par les richesses ; celui-ci, en lui accordant la vie tranquille ; cet autre, en le soumettant aux afflictions ; à bien plus forte raison, devons-nous méditer cette conduite appliquée à nous-mêmes. Et, en outre, une pensée que nous devons méditer, c’est que, des nombreux malheurs qui nous arrivent, la cause n’est pis dans la volonté de Dieu, mais dans notre perversité. Ne dites donc pas : pourquoi celui-ci est-il riche, quoique pervers ; celui-là pauvre, quoique juste ? car la réponse est facile ; le juste ne reçoit aucune atteinte de la pauvreté ; au contraire, elle rehausse sa gloire ; le méchant ne trouve, dans les richesses, qu’une voie qui le conduit au châtiment, s’il ne se convertit ; et, de plus, même avant le châtiment, les richesses lui ont causé des maux innombrables, et l’ont précipité dans mille gouffres : ce que Dieu permet, tout ensemble pour montrer la liberté de l’homme, et, en même temps, pour nous apprendre à ne pas courir aux richesses, avec une fureur insensée. Quoi donc, objectera-t-on, le méchant qui est riche ne souffre-t-il aucun mal ? Si l’homme de bien est riche, nous disons que c’est justice ; si, au contraire, c’est un méchant, que dirons-nous ? qu’il est, par cela même, misérable. En effet, les richesses s’ajoutant à la perversité, ne font qu’aggraver le mal ; mais voici un homme de bien, et cependant il est pauvre ? Eh bien, il ne reçoit aucune atteinte ; mais c’est un méchant, et il est pauvre ; donc c’est justice et c’est avec raison, et cette pauvreté est dans son intérêt.
Cependant, objectera-t-on, il a reçu des richesses de ses ancêtres, et il les gaspille entre des courtisanes et des parasites, et il ne souffre aucun mal. Que dites-vous ? Il se livre à la fornication et il ne souffre aucun mal ? Il s’enivre, et vous trouvez sa vie délicieuse ? Il dépense sa fortune honteusement, et vous le trouvez digne d’envie ? Et quelle plus grande dégradation que d’assurer la mort de son âme ? Mais vous-mêmes, à la vue d’un malheureux aux membres contournés, mutilés, vous croiriez devoir l’inonder de vos larmes ; et quand vous voyez son âme toute mutilée, vous croyez que cet homme est heureux ? Mais il ne sent rien, direz-vous ; voilà justement pourquoi il faut le plaindre, comme on fait des insensés.
Celui qui a conscience de sa maladie, appelle tout de suite le médecin ; il endure les remèdes au contraire, pour celui qui ne sent pas son mal, il n’y a pas de délivrance possible ; et est-ce là, je vous le demande, celui dont vous vantez le bonheur ? Mais gardons-nous de nous trop étonner ; il est grand le nombre de ceux qui sont étrangers à la sagesse. Aussi supportons-nous les derniers châtiments, sommes-nous punis, sans espérance de nous voir délivrés du supplice. De là ; les colères, les découragements ; les perturbations continuelles ; Dieu nous montre une vie exempte de douleurs, la vie consacrée à la vertu, et nous, abandonnant ce chemin, nous en prenons un autre, le chemin de la fortune et des richesses, rempli d’innombrables maux, et nous agissons comme celui qui ire saurait pas distinguer la beauté dés corps, qui ne regarderait que le vêtement, que les ornements extérieurs, qui verrait une belle femme, douée d’une naturelle beauté, et passerait son chemin, pour aller vers une laide, une femme difforme et mutilée, mais recouverte d’une belle toilette, et qui la prendrait pour épouse. C’est l’image de ce qui arrive à bien des gens, en ce qui concerne la vertu et la méchanceté. Ils choisissent la laideur à cause des ornements qui l’affublent au-dehors ; mais la beauté, ils la répudient à cause de cette nudité même, qui aurait dû fixer leur préférence.
6. Aussi j’ai honte de voir, chez ces païens insensés, une sagesse sinon de conduite, mais au moins de doctrine, qui ne se méprend pas sur la condition mobile et passagère des choses présentes. Il en est, chez nous, qui ne reconnaissent pas cette vanité ; leur jugement même est corrompu, malgré tant d’avertissements de l’Écriture, qui ne cessent de nous crier « Le méchant parait à ses yeux comme un néant, mais le Seigneur glorifie ceux qui le craignent (Ps. 14,4). La crainte du Seigneur a tout surpassé (Sir. 25,14). Crains Dieu, et garde ses commandements, car c’est là tout l’homme (Qo. 12,13). Ne portez pas envie aux méchants ; ne craignez point, en voyant un homme devenu riche (Ps. 48,17). Toute chair n’est que de l’herbe, et toute sa gloire est comme la fleur des champs ». (Is. 40,6) Malgré tant de paroles du même genre, que nous entendons chaque jour, nous sommes encore rivés à la terre. Les enfants ignorants, à qui on apprend