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Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 9, 1866.djvu/504

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sa volonté (car cette expression : « L’Esprit souffle où il veut » (Id. 3,8), quoique appliquée au vent, prouve néanmoins ce que nous disons) Et maintenant ici l’apôtre dit : « Il opère toutes choses, selon qu’il veut ». Écoutez ce qui prouve encore que l’Esprit n’est pas de ceux que met en mouvement une opération étrangère, mais que l’Esprit opère par lui-même : « Car », dit l’apôtre, « qui connaît ce qui est dans l’homme, sinon l’esprit de l’homme ? Ainsi nul ne connaît ce qui est en Dieu que l’Esprit de Dieu ». (1Cor. 2,11) Que l’esprit de l’homme, c’est-à-dire son âme, n’ait pas besoin d’une opération du dehors pour connaître ce qui la concerne, c’est ce que tout le monde sait. Et, de même, l’Esprit-Saint se suffit à lui-même pour connaître ce qui concerne Dieu. C’est ainsi que l’Écriture dit : l’Esprit-Saint connaît les secrets de Dieu, comme l’âme humaine connaît les secrets de l’homme. Si notre âme n’est pas excitée à cette connaissance par une opération qui lui soit étrangère, à bien plus forte raison ; est-ce vrai de celui qui connaît la profondeur de. Dieu. Et il n’y a pas une opération quelconque, étrangère à lui, qui le porte à donner ses grâces aux apôtres.
Maintenant, j’ajouterai ici une autre réflexion que j’ai déjà faite. Quelle est-elle ? Si l’Esprit était inférieur, et d’une autre substance, la consolation présentée par l’apôtre aurait été nulle ; à quoi aurait-il servi d’apprendre que c’est le même Esprit ? Quand on reçoit les présents d’un roi, la plus grande des jouissances, c’est que le roi vous a fait lui-même le présent ; au contraire, on s’afflige de recevoir d’un esclave, d’être forcé de lui savoir gré du don que l’on a reçu. Ainsi, voilà encore une preuve que l’Esprit n’est pas d’une substance servile, mais royale. Voilà pourquoi, de même que l’apôtre a consolé les fidèles par ces paroles : « Il y a diversité de ministères, mais il n’y a qu’un même Seigneur ; il y a diversité d’opérations surnaturelles, mais il n’y a qu’un même Dieu » ; de même qu’après avoir dit plus haut : « Il y a diversité de dons spirituels, mais il n’y a qu’un même Esprit » ; après toutes ces observations, il ajoute encore : « C’est un seul et même Esprit qui opère toutes ces choses, distribuant à chacun ses dons, selon qu’il lui plaît ». Donc, ne nous tourmentons pas, dit l’apôtre, ne nous affligeons pas en disant : Pourquoi ai-je reçu ceci, pourquoi n’ai-je pas reçu cela ? N’exigeons pas de comptes de l’Esprit-Saint. Comprenez que le don qu’il vous a fait, il vous l’a fait dans votre intérêt, qu’il l’a mesuré dans votre intérêt ; aimez-le donc, et réjouissez-vous de ce que vous avez reçu ; ne vous affligez pas, de n’avoir pas reçu d’autres dons ; au contraire, rendez grâces à Dieu de n’avoir pas reçu plus que vous ne pouviez supporter.
5. Et maintenant, si, en ce qui concerne les dons spirituels, il faut fuir une curiosité inquiète, à bien plus forte raison faut-il y renoncer, en ce qui concerne les biens de la terre ; il faut se tenir en repos, et ne pas s’enquérir curieusement pourquoi un tel est-il riche, pourquoi un tel est-il pauvre ? Assurément, chaque homme n’a pas reçu de Dieu la richesse ; il en est beaucoup qui doivent leur fortune à l’injustice, à la rapine, à l’avarice. Celui qui nous a ordonné de fuir la richesse, comment nous aurait-il donné ce qu’il nous défend de recevoir ? Mais je veux réfuter plus énergiquement encore ceux qui nous contredisent ici. Eh bien ! faisons remonter notre discours jusqu’au temps où Dieu a départi les richesses, et, répondez-moi, pourquoi Abraham était-il riche, et Jacob manquant de pain ? N’étaient-ils pas également justes l’un et l’autre ? Dieu n’a-t-il pas dit également des trois : « Je suis le Dieu d’Abraham, et d’Isaac, et de Jacob ? » (Ex. 3,6) Pourquoi donc l’un était-il riche, tandis que l’autre se louait comme un mercenaire ? ou plutôt : Pourquoi l’injuste et fratricide Esaü était-il riche, et Jacob si longtemps dans la servitude ? Pourquoi encore Isaac vécut-il si longtemps dans la tranquillité ; au contraire, dans les fatigues et dans les douleurs ? Aussi disait-il : « Mes jours ont été peu nombreux et malheureux ». (Gen. 47,19) Pourquoi David, qui fut un prophète et un roi, a-t-il passé tout le temps de sa vie dans les tourments ? Pourquoi Salomon, son fils, durant quarante années, a-t-il joui plus que personne de la sécurité, de la profonde paix, a-t-il été comblé de gloire, d’honneurs, a-t-il eu tous les plaisirs ? Pourquoi, parmi les prophètes, l’un était-il plus affligé, l’autre moins ? C’est qu’il était (le l’intérêt de chacun d’eux qu’il en fût ainsi.
Aussi faut-il dire, pour chacun d’eux : « Vos jugements sont un abîme très profond ». (Ps. 35,7) Si Dieu n’exerçait pas ces