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Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 9, 1866.djvu/516

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de ces parties, avec autant de rapidité que d’à-propos et d’utilité ; il ne se contente pas de ce qu’il vient de dire, il y joint une explication : « Mais Dieu a mis un admirable tempérament dans tout le corps, en honorant davantage ce qui était défectueux, afin qu’il « n’y ait point de schisme dans le corps (24, 25) ». Dieu a tempéré, c’est-à-dire, qu’il n’a pas laissé apparaître ce qui était moins honorable. En effet, ce que l’on tempère et que l’on mêle devient un, et on ne voit pas ce que pouvait être auparavant l’objet qui a été mêlé à l’ensemble. Nous ne saurions même pas dire s’il y a eu un mélange. Et voyez combien de fois l’apôtre dit en passant : « Ce qui était défectueux » ; il ne dit pas : ce qui était déshonnête ou honteux, mais : « Ce qui était défectueux ». Ce qui était défectueux, comment cela ? selon la nature. « Lui accordant plus d’honneur » ; et pourquoi ? afin qu’il n’y eût point de schisme dans le corps. Les fidèles recevaient là une immense consolation ; cependant, comme ils s’affligeaient d’avoir été moins bien partagés, l’apôtre leur montre qu’ils ont reçu plus d’honneur. « Accordant plus d’honneur », dit-il, « à ce qui était défectueux » ; et ensuite, il explique comment Dieu a parfaitement ordonné, et que tel membre fût défectueux, et qu’il reçût plus d’honneur. Pourquoi ? « Pour qu’il n’y ait pas », dit-il, « de schisme dans le corps ». Il ne dit pas : dans les membres, mais : « Dans le corps ». Et en effet, il y aurait eu une bien grande superfétation si quelques membres avaient été enrichis à la fois des dons de la nature et de ceux de notre prévoyance ; tandis que d’autres membres n’auraient rien eu, de ces deux côtés, en partage. Ils se seraient séparés du tout, n’étant pas capables de supporter l’union. Et maintenant, cette séparation ne se serait pas opérée sans dommage pour les autres parties.
Voyez-vous comme l’apôtre montre la nécessité d’honorer davantage ce qui est défectueux ? Supprimer ce privilège d’honneur, t’eût été la perte pour tous. En effet, si nous n’avions pas pris un grand soin de ces membres inférieurs, ils auraient souffert, et du dédain de la nature, et du tort que nous leur aurions fait. Leur perte eût été pour le corps un déchirement, et le corps étant déchiré, les autres parties bien supérieures encore auraient péri. Voyez-vous comme le soin de quelques-uns, de ces membres est uni à la prévoyance qui s’occupe des autres ? En effet, ils trouvent moins dans leur nature propre leur raison d’être, qu’ils ne trouvent dans le corps leur raison d’être un tout. Aussi que le corps vienne à périr, il ne leur sert à rien d’être séparément plein de santé ; que l’œil demeure, ou le nez ; que chaque membre conserve ce qui lui appartient, mais que le lien avec le corps soit rompu, il n’y a désormais, pour ces membres, aucune raison d’exister. Au contraire, supposez que le corps subsiste, et que ces membres soient endommagés, ils continuent à faire partie du corps ; et bientôt ils retrouvent la santé. Mais, dira-t-on peut-être, dans le corps cela s’explique ; on comprend qu’un membre défectueux reçoive un plus grand honneur. Mais dans la société des hommes, le, moyen qu’il en soit ainsi ? C’est surtout dans la société humaine que vous verrez cette vérité se réaliser. Et en effet, ceux qui sont venus vers la onzième heure, ont reçu les premiers leur salaire ; la brebis errante a engagé le pasteur à laisser les quatre-vingt-dix-neuf autres pour courir à sa recherche, et, quand il l’a eu retrouvée, il l’a portée sur ses épaules, et il ne l’a pas chassée ; l’enfant prodigue a reçu plus d’honneur que celui qui s’était bien conduit ; le larron a reçu la couronne, avant les apôtres, et il les a devancés dans la gloire ; l’histoire des talents vous montre le même fait : celui qui avait reçu cinq talents, et celui qui en avait reçu deux, ont été jugés dignes du même salaire.
Et c’est la marque d’une grande providence, que l’un ait reçu deux talents ; car si on lui eût confié cinq talents, quand il était incapable de les augmenter, il aurait perdu tout ce à quoi il pouvait prétendre ; mais ayant reçu deux talents, ayant accompli tout ce qui dépendait de lui, il a obtenu la même récompense que celui qui avait opéré avec cinq talents, et il a eu l’avantage sur lui d’avoir avec moins de labeurs gagné les mêmes couronnes. En effet, c’était un homme comme celui qui – avait reçu les cinq talents, et cependant le Seigneur n’exige pas de lui des comptes aussi sévères ; il ne réclame pas de lui autant que de son compagnon d’esclavage ; il ne lui dit pas : pourquoi ne peux-tu pas faire cinq talents ? ce qu’il était en droit de lui dire. Pénétrés de ces vérités, n’insultez pas, si vous êtes plus grands, ceux qui sont