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Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 9, 1866.djvu/519

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dans les éloges, ils adressent leurs éloges à tout le corps. Si tel a l’éloquence en partage, ce n’est pas lui seulement qu’on célèbre par des éloges, mais toute l’Église. En effet ; on ne dit pas, un tel est admirable, mais que diton ? C’est un docteur admirable que possèdent les chrétiens, et l’éloge est, pour tous, un bien commun. Ainsi ce que les gentils unissent, vous, c’est vous qui 1e divisez, et vous faites la guerre à votre propre corps, à vos propres membres ? Et vous ne voyez pas que vous bouleversez tout ? « Tout royaume » ; dit Jésus, « divisé contre lui-même sera ruiné ». (Mt. 12,25)
Or, maintenant rien ne produit autant la division, la séparation, que l’envie et la haine jalouse, maladie funeste, pour laquelle il n’y a pas de pardon, maladie plus funeste que la racine même de tous les maux. L’avare en effet a du plaisir au moins quand il reçoit quelque chose ; l’envieux, au contraire, ne se réjouit pas quand il reçoit, mais quand uri autre ne reçoit pas : car ce qu’il prend pour un bienfait personnel, c’est le malheur d’autrui, ce n’est pas le bonheur qui lui arrive à lui-même ; c’est un ennemi commun de toute la nature humaine, et qui se plaît à frapper les membres du Christ : quelle fureur plus détestable que celle-là ? Le démon est jaloux de qui?-des hommes, mais il ne porte envie à aucun démon : tandis que vous, qui êtes un homme, c’est contre des hommes que vous ressentez de l’envie, vous vous élevez contre celui qui est de la même famille, du même sang que vous, et c’est ce que le démon lui-même ne fait pas. Et quel pardon pouvez-vous espérer, quelle justification faire entendre, vous qui, à la vue du bonheur d’un frère, tremblez et pâlissez de rage, au lieu de vous réjouir, de tressaillir d’allégresse ? Soyez l’émule de votre frère, je n’y mets pas d’obstacle : mais soyez son émule par les vertus qui le font estimer ; son émule, non pas pour le dénigrer, mais pour vous élever au même faîte que lui, pour montrer la même perfection. Voilà la bonne rivalité ; on cherche à imiter, non à faire la guerre ; on s’afflige, non du bonheur d’autrui ; mais du mal que l’on ressent en soi : c’est précisément le contraire de la basse envie, qui, négligeant ses maux propres, se dessèche à la vue du bonheur des autres. Le pauvre ne souffre pas tant de sa pauvreté que de l’abondance du prochain : quoi de plus déplorable qu’une telle disposition ? L’envieux, je l’ai déjà dit, est en cela plus odieux que l’avare : l’avare en effet se réjouit quand il a reçu quelque chose ; ce qui fait au contraire la joie de l’envieux, c’est qu’un autre ne reçoive pas. Donc, je vous en prie, abandonnez cette voie perverse, changez votre envie en une émulation généreuse (car cette émulation est plus puissante pour l’action et communiqué à l’âme unie ardeur plus dévorante que le feu), et de cette émulation vous recueillerez de grands biens. C’est ainsi que Paul amenait les Juifs à la foi : « Pour tâcher », disait-il, « d’exciter de l’émulation dans l’esprit des Juifs, qui me sont unis selon la chair, et d’en sauver quelques-uns ». (Rom. 11,14) Celui qui ressent l’émulation que voulait l’apôtre, ne se dessèche pas à la vue d’un autre jouissant d’une bonne renommée, mais il soutire de se voir lui-même en retard.
Il n’en est pas de même de l’envieux quand il voit la prospérité d’autrui, il est comme ces frelons qui vont gâter le travail d’autrui ; jamais il ne fait personnellement d’efforts pour s’élever, mais il pleure à la vue d’un autre qui s’élève, et tente tout pour le rabaisser. À quoi pourrait-on comparer cette maladie ? Il me semble voir un âne lourd et, surchargé d’embonpoint attelé au même timon qu’un agile coursier ; l’âne ne veut passe lever, et il cherche, cet animal massif, à tirer l’autre en bas. L’envieux ne pense pas à s’affranchir de son profond sommeil, c’est un soin qu’il ne prend jamais ; mais il n’est rien qu’il ne fasse pour faire tomber, pour abattre celui qui prend son essor vers le ciel ; l’envieux c’est le parfait imitateur du démon. Celui-ci, à la vue dé l’homme dans le paradis, n’a pas senti le zèle qui porte à se convertir, mais uniquement l’envie de faire chasser l’homme du paradis : et en le voyant ensuite établi dans le ciel, et les fidèles de la terre jaloux de parvenir là-haut, le démon poursuivant toujours le même dessein, ne cherche qu’à les faire tomber, entassant ainsi plus de charbons ardents sur sa tête. C’est là en effet ce qui arrive toujours : si l’homme à qui l’on porte envie, se tient sur ses gardes, il acquiert une gloire plus brillante ; l’envieux ne fait que rendre son mal plus affreux. C’est ainsi que Joseph a brillé d’une gloire si pure ; c’est l’histoire du prêtre Aaron ; les intrigues et le déchaînement de