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Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 9, 1866.djvu/527

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qui est « d’être assis à ma droite ou à ma gauche », ce n’est pas qu’il y ait des places où l’on soit assis à sa droite ou à sa gauche, c’est une manière d’indiquer la préséance, l’honneur suprême. « Ce n’est pas à moi à vous le donner », dit-il, « mais ce sera pour ceux à qui cela sera préparé ». Montrant ensuite à qui cet honneur est préparé, il appelle ses disciples : « Que celui qui voudra être le premier parmi vous, soit votre serviteur à tous » (Id. 5,26), leçon d’humilité et de charité. C’est une haute charité qu’il demande. Aussi ajoute-t-il : « Le Fils de l’homme n’est pas venu pour se faire servir, mais pour servir les autres et donner sa vie pour la rédemption de plusieurs » ; il montre par là qu’il faut aimer jusqu’à subir la mort pour ceux que l’on aime : car c’est la plus grande preuve d’amour qu’on puisse leur donner. Aussi dit-il à Pierre « Si vous m’aimez, paissez mes brebis ». (Jn. 13,19) Voulez-vous comprendre la grandeur et la beauté de la charité, peignons-la par des paroles, puisque nous ne voyons pas son image réelle. Représentons-nous tous les biens dont elle serait la source, si elle abondait en tous lieux. Alors plus de lois, plus de tribunaux, plus de supplices, plus riel de semblable. Si nous nous aimions tous les uns les autres, plus d’outrages ; meurtres, luttes, guerres, dissensions, larcins, pillages, tous les fléaux disparaîtraient et le vice ne serait même pas connu de nom. Or les dons miraculeux ; loin de produire un pareil effet, ne font qu’exalter la vanité et l’arrogance, si l’on n’y prend garde.
6. Il y a un côté admirable dans la charité. Toutes les autres qualités ne sont pas exemptes d’alliage : le détachement des biens est souvent une cause d’orgueil ; l’éloquence est accompagnée de désir de la gloire ; l’humilité a quelquefois d’elle-même une conscience superbe. Mais la charité est exempte de toutes ces maladies ; elle ne s’élève jamais aux dépens de celui qu’elle aime. Ne me parlez pas de la charité s’attachant à un seul objet d’affection ; regardez la charité qui s’étend à tous les hommes également, et c’est alors que vous en verrez la vertu. Ou plutôt, si vous voulez, supposez un seul être aimé et un seul être qui l’aime, qui l’aime, bien entendu, comme on doit aimer. Il trouvera le ciel, sur la terre ; il goûtera partout les douceurs de la tranquillité, il se tressera des couronnes sans nombre. Un tel homme ne connaîtra ni l’envie, ni la colère, ni la jalousie, ni l’arrogance, ni la vaine gloire, ni la détestable concupiscence, ni l’amour insensé et ses poisons ; il conservera la pureté de son âme. De même que personne ne cherche à se faire tort à soi-même, de même il ne fera pas tort à son prochain. Un tel homme marchera sur la terre, en compagnie de Gabriel. Eh bien ! cet homme-là, c’est celui qui possède la charité. Quant à celui qui fait des miracles signales et qui possède la science parfaite, sans la charité, il aurait beau ressusciter les morts par milliers, il n’en tirera pas grand profit, s’il rompt avec l’humanité, s’il ne peut souffrir le contact de ses compagnons de chaîne. Aussi le Christ a-t-il dit que la meilleure preuve d’amour qu’on puisse lui donner, c’est d’aimer son prochain. « Si vous m’aimez plus que ces hommes, Pierre, paissez mes brebis ». Voyez-vous comme il fait encore entendre par ces paroles que la charité est supérieure au martyre ?
Supposez un père qui chérit son fils jusqu’à donner sa vie pour lui, et un ami attaché à ce père, mais n’ayant pour le fils que de l’indifférence, le père irrité ne fera aucune attention à cet attachement dont il est l’objet et ne verra que le mépris auquel son fils est en butte. Ce qui a lieu ici, quand il s’agit d’un père et d’un fils, a lieu à plus forte raison quand il s’agit de Dieu et des hommes ; car Dieu est le meilleur de tous les pères. Ainsi, après avoir dit : « Voici le premier et le plus grand de tous les commandements : Vous aimerez le Seigneur, votre Dieu », Jésus a dit : « Voici le second », et il a expressément ajouté, « qui est semblable au premier : Vous « aimerez votre prochain comme vous-même ». (Mt. 22,38, 39) Et voyez avec quelle énergie il exige cet amour ! Il dit, en parlant de Dieu : Vous l’aimerez « de tout votre cœur » ; il dit en parlant du prochain : Vous l’aimerez « comme vous-même ». Ah ! si l’on observait bien ce commandement, il n’y aurait ni esclave ni – homme libre ; ni prince ni sujet ; ni riche ni pauvre ; ni petit ni grand ; le démon n’aurait jamais été connu : je ne dis pas celui que nous connaissons, mais tout autre, mais cent autres, mais des légions innombrables de démons se seraient trouvées sans puissance, en face de la charité. La paille résisterait au feu plutôt que le démon à la flamme de la charité. Oui, la charité est plus forte qu’un rempart, plus solide que le métal le plus dur. Imaginez