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Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 9, 1866.djvu/526

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le répète : « Si vous voulez être parfait, vendez « tout ce que vous avez, donnez-en le prix « aux pauvres et suivez-moi ? » Ne dit-il pas à ses disciples, à propos du martyre : « Celui « qui perdra la vie pour moi la retrouvera.
Celui qui ne m’aura pas désavoué devant « les hommes, je ne le désavouerai pas moi devant mon père, qui est dans les cieux ». (Mt. 16,25, et X, 32) Car c’est chose pénible et surnaturelle qu’un pareil dévouement : ils le savent bien, les hommes qui ont obtenu les palmes du martyre. La parole humaine n’est point à la hauteur d’un pareil sacrifice, d’un acte si admirable qui suppose une âme si généreuse.
5. Et pourtant, nous dit saint Paul, sans la charité, ce merveilleux dévouement ne sert pas à grand-chose, quand même on y joindrait l’abandon de sa fortune. Pourquoi donc ce langage ? J’essaierai de l’expliquer, après avoir cherché comment il se fait que l’homme qui distribue tout son bien pour nourrir les pauvres, puisse être cependant un homme sans charité. Car enfin, l’homme qui est prêt à livrer son corps au bûcher, malgré les dons spirituels qu’il peut avoir ; peut encore ne pas aimer son prochain. Mais celui qui, non routent de donner ses biens, les distribue pour nourrir les pauvres, comment peut-il se faire qu’il manque dé charité ? Que répondre à cela ? Que cette absence de charité chez un pareil Homme est une hypothèse gratuite. L’apôtre, en effet, emploie volontiers de semblables hypothèses, lorsqu’il a recours à l’hyperbole. Ainsi, il dira aux Galates : « Si nous-même, si quelque ange descendu du ciel vient vous annoncer autre chose que ce que je vous ai enseigné, qu’il soit anathème ». (Gal. 1,8) C’est là une supposition impossible ; mais, pour montrer l’excellence de sa parole, il emploie une hypothèse qui ne pouvait jamais se réaliser. Dans son épître aux Romains, il dit encore : « Ni les anges, ni les dominations, ni les puissances, ne pourraient arracher de nos cœurs l’amour de Dieu ». (Rom. 8,39) Jamais les anges n’auraient essayé de rien faire de semblable ; c’est donc encore ici une hypothèse impossible, comme ce qui suit : « Jamais nulle autre créature ne pourrait nous ôter cet amour ». Nulle autre créature ? Il parle ici de toutes les créatures imaginables, créatures célestes et créatures terrestres. Mais ici encore, il suppose ce qui ne peut être, pour exprimer l’ardeur de son amour. C’est donc aussi ce qu’il fait, lorsqu’il dit : Quand on donnerait tout son bien, ce sacrifice serait inutile, si l’on n’avait pas la charité. Oui, voilà comment on peut expliquer ce passage. Peut-être aussi saint Paul veut-il dire que nous devons nous identifier de cœur avec ceux à qui nous donnons, que nous ne devons pas nous contenter de leur donner froidement, que nous devons les plaindre, venir à eux le cœur brisé, et pleurer avec les indigents.
Voilà pourquoi Dieu a fait une loi de l’aumône. Dieu n’avait pas besoin de nous pour nourrir les pauvres ; mais il a voulu nous unir par la charité, nous enflammer d’un mutuel amour ; voilà pourquoi il nous a ordonné de nourrir les pauvres. De là encore ces mots de l’apôtre : « Mieux vaut une bonne parole qu’un don : voilà une parole plus précieuse qu’un don ». (Sir. 18,16, 17) Et le Maître dit lui-même : « C’est la miséricorde que je veux et non le sacrifice ». (Mt. 9,13) On aime d’ordinaire ceux à qui l’on fait du bien, et l’on s’attache à ses bienfaiteurs, et c’est pour resserrer les liens de l’affection que le Christ a établi cette loi. Mais voici à quoi se réduit la difficulté : d’après le Christ, l’aumône et le courage des martyrs sont deux vertus parfaites : d’après saint Paul, elles sont imparfaites sans la charité. Il n’est pas ici en contradiction avec le Christ, à Dieu ne plaise ! au contraire il est avec lui en parfaite harmonie. Le Christ, en s’adressant au riche, ne se contente pas de dire : Vendez vos biens et donnez-en le prix aux pauvres. Il ajoute : Venez ici et suivez-moi. Or pour suivre le Christ, pour se montrer son disciple, il n’y a rien de tel que la charité. « Le meilleur moyen de montrer à tout le monde que vous êtes mes disciples, c’est de vous aimer les uns les autres », (Jn. 13,35) Et quand il dit : « Celui qui aura perdu la vie pour moi, la retrouvera. Celui qui me confessera devant les hommes, je le confesserai devant mon Père dans les cieux », le Christ est loin de nier que la charité ne joue ici un rôle essentiel, il ne fait que montrer la récompense réservée à ces efforts de courage. D’ailleurs avec le martyre il exige la charité, et c’est ce qu’il a clairement fait entendre en ces termes : « Vous boirez mon calice et vous recevrez mon baptême » (Mt. 20,23), c’est-à-dire, vous supporterez le martyre, vous serez tués pour moi. Pour ce