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Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 9, 1866.djvu/532

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voie de la sagesse, mais un acheminement laborieux vers la vengeance. La charité, dit l’apôtre, ne tombe pas dans ce vice. Voilà pourquoi il ajoute : « La charité est bienfaisante ». Ce n’est point pour attiser la flamme de la colère dans les âmes irritées, qu’elle se montre douce et généreuse, c’est pour apaiser et éteindre cette flamme. Ce n’est pas seulement par une généreuse patience, c’est par ses soins et ses exhortations qu’elle soulage et qu’elle soigne la plaie des cœurs ulcérés par la colère. « Elle n’est pas envieuse ». On pourrait être patient et envieux, et l’envie gâte tout. Mais la charité évite encore cet écueil. Elle n’agit point légèrement… Cela veut dire : elle n’agit point avec précipitation. L’homme qui la possède est sage et grave ; il marche paisiblement dans la vie. La précipitation est le propre des penchants honteux ; mais la charité n’est point asservie à de pareils tyrans. La paix du cœur est incompatible avec la précipitation et les excès. La charité qui veille sur notre âme comme un bon agriculteur sur un champ, ne donne pas à de pareilles épines le temps de germer. « La charité n’est point gonflée d’orgueil ». Que de gens se glorifient, sous nos yeux, de n’être ni jaloux, ni méchants, ni pusillanimes, ni agressifs ! De pareils défauts en effet ne sont pas l’apanage exclusif de la richesse et de la pauvreté ; ils se rencontrent aussi dans les âmes bien nées ; mais la charité a soin de les extirper tous. Et ici faites bien attention : la patience n’est pas tout à fait la bienfaisance et la générosité. Oc la patience, sans la générosité, est un défaut ; elle peut amener la rancune. Mais, grâce à la générosité qui sert d’antidote à ce poison, la charité se conserve pure. La générosité dégénère parfois en faiblesse ; mais la charité est là pour l’en empêcher. « La charité, dit l’apôtre, n’est ni inconsidérée ni orgueilleuse ». La générosité et la patience n’excluent pas non plus l’arrogance ; mais la charité nous corrige aussi de cette imperfection.
2. Et voyez : l’apôtre fait servir à l’ornement de cette vertu non seulement les qualités qu’elle a, mais encore les défauts qu’elle n’a pas. Elle nous mène au bien, dit-il, et elle extirpe le mal. Que dis-je ? elle ne laisse pas aux mauvais germes la faculté de naître. L’apôtre n’a pas dit, en effet : La charité est jalouse, mais elle étouffe la jalousie. Elle est arrogante, mais c’est un défaut dont elle se corrige. Il a dit : « La charité n’est ni jalouse, ni inconsidérée, ni gonflée d’orgueil ». Et ce qu’il y a de plus admirable, c’est qu’elle fait le bien sans effort ; c’est qu’elle dresse des trophées, sans faire la guerre, sans verser de sang. Ce n’est point au prix de mille sueurs qu’elle donne la couronne à ses adeptes ; elle leur donne le prix du combat, sans les condamner aux fatigues. En effet, là où la raison ne rencontre pas la passion pour adversaire, elle n’a pas la peine de lutter : « Elle ne croit pas qu’on puisse la flétrir ». Pourquoi dire, ajoute l’apôtre, que la charité n’est point gonflée d’orgueil ? Elle est si éloignée d’un pareil défaut, qu’elle ne regarde pas comme un déshonneur tout ce qu’elle a souffert pour l’objet aimé. L’apôtre n’a pas dit : La charité qui s’honore elle-même par sa patience, supporte généreusement le déshonneur ; il a dit qu’elle ne se sent pas même blessée. Car si les hommes cupides, pour étancher la soif du gain qui les dévore, bravent tous les affronts, non seulement sans honte, mais avec orgueil, à plus forte raison l’homme qui possède la charité, cette vertu si louable ; ne reculera devant aucun affront et ne rougira pas de sa patience. Mais, pour puiser nos exemples à des sources pures, examinons la charité dans le Christ, et nous pourrons apprécier les paroles de l’apôtre. Notre-Seigneur Jésus-Christ était conspué et souffleté par de misérables esclaves ; et non seulement il ne voyait pas là de déshonneur, mais ces affronts étaient poux lui autant de triomphes dont il se glorifiait. Quand il introduisait avec lui dans le paradis un voleur et un assassin, quand il adressait la parole à une courtisane au milieu d’un cercle d’accusateurs, il ne voyait pas là un déshonneur. Il permettait, au contraire, à la courtisane de lui baiser les pieds, d’arroser son corps de ses larmes et de lui faire un voile de ses cheveux ; et c’était au milieu de ses ennemis, sur le théâtre de leur haine qu’il donnait un pareil exemple. La charité, en effet, se croit à l’abri de l’humiliation.
Voyez ce père qui tient le premier rang parmi les philosophes et les orateurs. Il ne rougit pas de bégayer avec ses enfants, et ceux qui sont témoins de cet acte de condescendance, loin de blâmer le père, rendent hommage à sa conduite et la citent pour modèle. Les enfants retombent-ils dans les mêmes fautes, le père est toujours là pour