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Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 9, 1866.djvu/536

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l’amitié des impies ne fût pas pour nous une occasion de commettre aussi l’iniquité. Aussi Dieu défendait-il de s’unir à eux par le sang, de se mêler à eux, et de tous côtés il élevait des remparts entre eux et son peuple. Aujourd’hui qu’il a guidé nos pas vers une philosophie plus élevée, aujourd’hui qu’il nous a placés trop haut pour que la contagion de l’impiété puisse nous atteindre, il nous fait une loi d’accueillir les infidèles et de les consoler. Il n’y a là rien à perdre pour nous ; il y a tout à gagner pour eux. Que nous dit-il donc ? D’avoir pitié des infidèles, au lieu de les haïr. Si vous les haïssez, comment ramènerez-vous aisément ces âmes égarées ? Comment vous déciderez-vous à prier pour un infidèle ? Sur la nécessité de la prière, écoutez saint Paul : « Je vous en conjure, adressez surtout à Dieu des supplications, des prières, des demandes, des actions de grâces, pour le salut de tous les hommes ». (1Tim. 2,1-2) Or à cette époque, « tous les hommes » n’étaient pas au nombre des fidèles : c’est évident. Et il dit encore : « Priez pour les rois, pour les hommes constitués en dignité ». Or ces rois, ces personnages étaient des impies et des hommes injustes c’est encore une vérité manifeste. Et pourquoi faut-il prier pour eux ? Il nous l’explique, lorsqu’il ajoute : « Ces prières sont une bonne œuvre, une œuvre bien vue de notre Sauveur qui veut que tous les hommes soient sauvés, et qu’ils parviennent tous à la connaissance de la vérité ». (Id. 3, 4) C’est pourquoi s’il trouve une femme païenne unie à un mari fidèle, il ne rompt pas ce mariage. Où trouver, pour une femme, un lien plus étroit que celui qui l’unit à son époux ? « Ils ne feront tous deux qu’une seule chair ». (Gen. 2,24) Il y a là pour unit les âmes et pour y allumer un fervent amour quelque chose de bien puissant. Ah ! si les impies et les hommes injustes deviennent l’objet de notre haine, nous irons plus loin nous haïrons aussi les pécheurs, et notre haine gagnant toujours de proche en proche, nous fera rompre avec un grand nombre de nos frères, que dis-je ? avec tous nos frères ; car personne, non, personne n’est exempt de péché. S’il faut haïr les ennemis de Dieu, il nous faudra haïr non seulement les impies, mais encore les pécheurs et alors nous serons pires que des bêtes féroces ; nous aurons de l’aversion pour tout le monde et nous serons gonflés d’orgueil comme le pharisien. Ce n’est pas là ce que veut saint Paul.
Comment dit-il ? « Reprenez ceux qui sont déréglés, consolez ceux qui ont l’esprit abattu, soutenez les faibles ; soyez patients envers tous ». (1Thes. 5,14) Mais, me direz-vous, qu’entend-il donc par ces paroles « Si quelqu’un n’obéit pas à ce que nous ordonnons par notre lettre », notez-le et « n’ayez joint de commerce avec lui ». (2Thes. 3,14) Oui, il parle ici de nos frères. Mais ces paroles n’ont rien d’absolu, rien de rigoureux. Il ne faut pas retrancher les mots qui suivent ; il faut au contraire les ajouter ici : Après avoir dit : « N’ayez point de commerce avec lui », ne joint-il pas à cette recommandation cet adoucissement ? « Ne le considérez pas néanmoins comme votre ennemi ; mais avertissez-le comme votre frère ». (Id. 5,15)
Voyez-vous comme il nous recommande de haïr le mal et non l’homme ? Car c’est l’œuvre du démon de nous détacher les uns des autres ; il met tous ses soins à faire disparaître la charité du milieu des hommes afin de nous couper toute voie d’amendement, afin d’entretenir l’un dans son erreur, l’autre dans sa haine et de lui fermer ainsi le chemin du salut.
En effet, quand le médecin hait le malade et le fuit, et que le malade déteste le médecin, comment guérira-t-il, s’il n’appelle point le médecin, et si le médecin ne vient point le voir ? Pourquoi donc, je le demande, le détester et le fuir ? Est-ce parce qu’il est impie ? mais c’est pour cela même qu’il faut aller le trouver et le soigner, afin de rappeler le malade à la santé. Que s’il souffre d’un mal incurable, vous devez encore faire ce qui est en votre pouvoir, car Judas aussi souffrait d’un mal incurable, et cependant Dieu n’a point cessé de le soigner. C’est pourquoi ne vous découragez point ; car, lors même que malgré tout votre zèle, vous ne l’arracheriez point à l’impiété, vous recevriez la récompense, comme si vous l’aviez fait, et vous feriez que lui-même admirerait votre douceur : et ainsi la gloire en reviendrait tout entière à Dieu vous auriez beau faire des miracles, ressusciter des morts, ou faire n’importe quoi, jamais les gentils ne vous admireront autant que quand ils vous verront doux, bienveillant,