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Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 9, 1866.djvu/535

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et, comme dit saint Paul : « Elle se réjouit avec ceux qui sont dans la joie ; elle pleure avec ceux qui pleurent ». Chez elle par conséquent point de jalousie, point d’orgueil elle fait son bonheur de celui des autres. Voyez-vous comme peu à peu la charité élève ses adeptes au niveau des anges ? Exempt de colère, pur de toute jalousie, libre du joug des vices, soustrait aux faiblesses de la nature humaine, homme parvient, par la charité, à revêtir là nature impassible des anges. Mais saint Paul ne s’arrête pas là. Que lui reste-t-il donc à dire de plus ? Car ses dernières paroles sont toujours les plus fortes. Il nous dit : « La charité supporte tout ». Sa patience, sa douceur l’endurcit contre les outrages, contre les coups, contre la mort, contre tous les mauvais traitements. Voyez le bienheureux David. Y a-t-il une douleur plus grande que celle d’un père qui voit son fils se révolter contre lui, attenter à sa couronne et être altéré du sang paternel ? Eh bien ! voilà ce que le bienheureux David a souffert. Il n’a pas eu le courage délaisser échapper une seule parole amère contre ce fils parricide ; à tous les capitaines qu’il avait chargés de la conduite de cette guerre il recommandait d’épargner son fils, tant sa charité reposait sur des bases solides ! Aussi il supporte tout et montre par là sa constance. Quant à sa bonté, elle éclate dans les paroles, qui suivent. « Il espère tout », dit-il, « il croit tout, il supporte tout ». Que veulent dire ces mots : il espère tout ? Il ne désespère pas, dit-il, du cœur de son fils ; quelque vicieux que soit ce fils, il persiste à vouloir le corriger, il l’entoure de sa sollicitude et de ses soins. « Il croit tout ». Il ne se contente pas d’espérer, dit-il, il a confiance dans celui qu’il aime tant : bien que sa conduite ne réponde pas à son espoir, bien qu’il lui cause toujours de nouveaux chagrins, il les supporte encore. Car « il supporte tout », dit-il. « La charité ne finira jamais ». Il met ici la dernière main à son ouvrage. Il nous montre ce que le don de la charité a de plus rare. Que signifie ce mot ? « Elle ne finira jamais ». Elle ne meurt pas, elle ne s’use point par la patience : elle est toujours aimante. Celui qui aime en effet ne peut jamais haïr, quelle que soit la conduite que l’on tienne envers lui et c’est là le plus grand fruit de la charité.
Tel se montre saint Paul. « Je voudrais », dit-il, « exciter une sainte jalousie dans l’âme de ces hommes qui me sont unis selon la chair » (Rom. 2,14), et il a persisté dans cet espoir. Et il exhortait Timothée en ces termes : Un serviteur de Dieu ne doit pas lutter ; il doit être doux envers tout le monde, il doit instruire, en conservant le ton de la modération, ceux qui résistent à la vérité, pour voir si Dieu leur en donnera connaissance. (2Tim. 2,24, 25) Eh quoi, direz-vous, si ce sont nos ennemis, si ce sont des gentils, ne faut-il pas les haïr ? Ce qu’il faut haïr, ce ne sont pas les gentils, c’est leur erreur ; ce n’est pas l’homme, c’est le mal qu’il fait, c’est sa corruption. L’homme en effet est l’œuvre de Dieu ; l’erreur est celle du démon. Ne confondez pas ce qui est à Dieu, et ce qui est au démon. Les Juifs n’étaient-ils pas des blasphémateurs, des persécuteurs insolents qui se répandaient en injures contre le Christ ? Saint Paul ; qui aimait tant le Christ, les détestait-il pour cela ? Non assurément ; il les aimait au contraire et faisait tout pour eux. Tantôt il dit : « Je sens dans mon cœur une grande affection pour le salut d’Israël et je le demande à Dieu dans mes « prières » (Rom. 11,1) ; tantôt il s’écrie « J’aurais voulu devenir moi-même anathème à l’égard du Christ pour les sauver ». (Rom. 9,3) C’est ainsi que parlait Ézéchiel témoin du massacre des Juifs : « Hélas, Seigneur, veux-tu détruire les débris d’Israël ? » (Ez. 9,8) C’est ainsi que parlait Moïse. « Si tu leur pardonnes, épargne-les ». (Ex. 32,31) Et David que dit-il ? « Ceux qui te haïssent, Seigneur, je les haïssais, et la haine qui m’enflammait contre tes ennemis me consumait : c’était du fond du cœur que je les détestais ». (Ps. 138,21, 22) Mais David, dans ses Psaumes, ne parle pas toujours pour lui. Ne dit-il pas aussi : « J’ai planté ma tente parmi les tentes de Cédar, et auprès des fleuves de Babylone nous nous sommes assis et nous avons pleuré ? » (Ps. 119,5, et 86,1). Pourtant David n’a jamais vu ni Babylone, ni Cédar. Aujourd’hui du reste Dieu réclame de nous une sagesse encore plus haute que sous l’ancienne loi. Aussi, quand les disciples du Christ lui demandaient de faire descendre le feu du ciel, comme du temps d’Elie, il leur répondait : « Vous ignorez l’esprit de la loi nouvelle à laquelle vous appartenez ». (Lc. 9,55)
5. Autrefois en effet ce n’était pas l’impiété toute seule, c’était les impies eux-mêmes que Dieu nous disait de haïr, pour que