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Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 9, 1866.djvu/545

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nom de Dieu, et c’est comme s’il disait : Que craignez-vous ? Pourquoi n’avez-vous pas foi ? « L’argent est à moi et l’or est à moi », et je n’ai point besoin, pour construire mon temple, de l’argent emprunté avec usure. Et il ajoute : « La gloire de cette maison sera au-dessus de la gloire de la première ». (Agg. 2,10) N’allez donc pas mêler des toiles d’araignées à un vêtement royal. Car si l’on surprenait quelqu’un occupé à mêler à la pourpre un tissu grossier, on le punirait du dernier châtiment ; et, à plus forte raison, quand il s’agit du spirituel, car ce n’est point là une faute légère. Et que dire des additions et des soustractions ? Le changement d’un point et une leçon différente, donnent souvent lieu à des sens absurdes.
6. D’où viennent donc les riches ? Direz-vous. C’est qu’il est dit en effet : « Les richesses et la pauvreté viennent du Seigneur ». (Sir. 11,14) Nous demanderons à ceux qui nous adressent cette objection : est-ce que, toute richesse et toute pauvreté viennent du Seigneur ? Qui pourrait le prétendre ? Nous voyons que c’est par les rapines, les tombeaux ouverts, et les duperies et les autres méfaits de ce genre qu’on se procure souvent les richesses, et que ceux qui les possèdent ne méritent pas même de vivre. Répondez-moi ; direz-vous que ces richesses viennent de Dieu ? Loin de là ; mais d’où viennent-elles ? Du péché. Car la courtisane qui livre au déshonneur sa personne, s’enrichit ; et le bel adolescent qui vend sa beauté, possède de l’or au prix de la honte ; et celui qui ouvre les tombeaux et les pille, amasse des richesses iniques, et de même le voleur qui perce les murs. Est-ce donc du Seigneur que viennent toutes les richesses ? Mais, direz-vous, que répondrons-nous à cette parole de l’Écriture ? Apprenez d’abord que la pauvreté même ne vient pas de Dieu, et ensuite nous y viendrons. En effet, quand le jeune homme prodigue dépense sa fortune avec les courtisanes, les magiciens, ou se ruine par d’autres passions, et qu’il devient pauvre, n’est-il pas clair que ce n’est pas Dieu qui l’a rendu ainsi, mais sa propre prodigalité ? D’un autre côté, si l’on tombe dans la pauvreté par paresse ou par folie, ou parce qu’on s’est laissé aller à des entreprises dangereuses et iniques, n’est-il pas manifeste que, dans aucun de ces cas, ce n’est point Dieu qui vous a jeté dans la pauvreté. L’Écriture ment donc ? Loin de là, mais c’est folie de ne pas examiner ses paroles avec tout le soin qu’elles méritent. Car si nous confessons que l’Écriture ne peut mentir, et si nous avons prouvé que toutes les richesses ne viennent pas de Dieu, la difficulté vient de la faiblesse d’esprit de ceux qui lisent sans réflexion. Et il faudrait les renvoyer, après avoir ainsi justifié l’Écriture de leurs accusations, et les punir de la négligence avec laquelle ils lisent les Écritures. Mais je leur pardonne, et pour ne pas les laisser plus longtemps dans le trouble, je veux leur indiquer la solution, en rappelant d’abord quel est l’auteur de ces paroles, en quel temps et à qui il les a dites.
Dieu, en effet, ne parle pas semblablement à tous ; de même que nous ne parlons point de la même façon aux enfants et aux hommes. Quand donc ces paroles ont été prononcées, et par qui, et à qui ? Par Salomon, dans l’Ancien Testament, et elles furent adressées aux Juifs qui ne connaissaient que les choses sensibles, et qui estimaient par là la puissance de Dieu. Ce sont ceux qui disaient : « Pourra-t-il nous donner du pain ? » (Ps. 77,20) et : « Quel prodige nous montres-tu ? (Mt. 12,38) Nos « pères ont mangé la manne dans le désert. » (Jn. 6,31) « Ceux dont le ventre est le Dieu ». (Phil. 3,19) Comme c’est ainsi qu’ils concevaient Dieu, il leur dit : Dieu peut aussi faire des riches et des pauvres ; non pas qu’il le fasse toujours, mais il le peut, quand il lui plaît ; ainsi a-t-il dit « Celui qui menace la mer, et la dessèche, et change en déserts tous les fleuves » (Na. 1,4), quoiqu’il ne l’ait jamais fait. Comment donc le prophète entend-il cette parole ? Il ne veut pas dire que Dieu le fasse toujours, mais qu’il peut le faire. Quelles sont donc la pauvreté et les richesses qu’il donne ? Souvenez-vous du patriarche, et vous saunez les richesses que Dieu donne. C’est Dieu lui-même qui a donné ses richesses à Abraham, et plus tard à Job qui dit : « Si nous avons reçu les biens du Seigneur, pourquoi ne supporterions-nous pas les maux qu’il nous envoie ? » (Job. 2,10) C’est là aussi la source des richesses de Jacob. La pauvreté qui vient de Dieu est aussi louable ; c’est celle qu’il enseigne aux riches, disant : Si tu veux être parfait, vends ce que tu possèdes, donne tout aux pauvres, et viens, suis-