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Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 9, 1866.djvu/546

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moi (Mt. 19,21), et la recommandant en un autre endroit à ses disciples, et disant « Refusez-vous à posséder de l’or, de l’argent ou deux tuniques ». (Lc. 9,3) Ne dites donc pas que c’est Dieu qui donne toutes les richesses, car nous avons montré que c’est par le meurtre, les rapines et mille autres méfaits qu’on les amasse.
Mais ramenons le discours à notre première question : si les richesses ne sont utiles à rien, pourquoi sont-elles créées ? Que répondrons-nous ? Que les richesses ainsi amassées ne sont pas utiles, et que celles qui viennent de Dieu sont très utiles. C’est ce que vous pouvez apprendre par les actions mêmes des riches. Car Abraham possédait ses richesses pour les étrangers et tous les nécessiteux. Quand arrivèrent chez lui trois hommes, ainsi qu’il croyait, il tua un veau et pétrit trois mesures de farine ; toujours assis à sa porte à l’heure de midi ; voyez sa libéralité toujours empressée à dépenser ses biens pour tous ; voyez-le payant de sa personne, ainsi que de ses richesses, et encore dans une vieillesse avancée. Il était le port des étrangers et de ceux qui étaient dans la nécessité, ne possédant rien qui lui fût propre, pas même son fils, car il le sacrifiait sur l’ordre de Dieu, et avec son fils il se donnait lui-même, et toute sa maison, quand il fut si prompt à délivrer son neveu. Et il ne le faisait point par amour du gain, mais par humanité. Quand ceux qu’il avait délivrés le mirent en possession des dépouilles, il refusa tout, jusqu’au fil d’une robe, et jusqu’au cordon d’une sandale.
7. Tel était aussi le bienheureux Job. car il disait : « Ma porte était ouverte à tout venant. J’étais l’œil des aveugles et le pied des boiteux ; j’étais le père des infirmes, aucun étranger ne demeurait à ma porte » (Job. 31,33 ; 29, 15-16) ; les infirmes, quand ils s’adressaient à moi dans le besoin, n’étaient point trompés dans leur espoir, et je n’ai point permis qu’un pauvre sortit de ma maison l’estomac vide. Je ne puis tout énumérer, mais il faisait plus encore, distribuant son argent à tous les nécessiteux. Voulez-vous voir maintenant les riches que Dieu n’a point faits, et savoir comment ils ont usé de leurs richesses ? Voyez celui de Lazare, qui ne lui donnait pas même les miettes de sa table ; voyez Achab qui a enlevé au pauvre sa vigne ; voyez Giézi et tous ceux qui furent comme lui. Ceux qui possèdent les richesses à juste titre, parce qu’ils les ont reçues de, Dieu, les dépensent conformément à ses préceptes ; ceux qui ont offensé Dieu en les acquérant, l’offensent encore en les dépensant ; en les prodiguant à des courtisanes et à des parasites, en les cachant et en les enfouissant, et en n’en donnant rien aux pauvres. Et pourquoi, direz-vous, Dieu permet-il que dé tels hommes soient riches ? Parce qu’il est patient, parce qu’il veut nous amener à la pénitence, parce qu’il a préparé la géhenne, et fixé le jour où il jugera le monde. S’il frappait tout de suite les riches, Zachée n’aurait pas eu le temps de se repentir, de rendre le quadruple de ce qu’il avait ravi, d’ajouter même la moitié de ses biens. Matthieu n’aurait pas eu le temps de se convertir et de devenir apôtre, s’il avait été enlevé avant l’heure favorable, et ainsi de beaucoup d’autres. C’est pourquoi Dieu attend, les appelant tous à la pénitence, s’ils s’y refusent, s’ils persistent dans leurs péchés, ils entendront Paul leur dire : « Qu’à cause de leur dureté et de leur cœur impénitent, ils amassent contré eux de la colère, au jour de là colère, de la révélation et du jugement équitable de Dieu ». (Rom. 2,5). Évitons cette, colère, enrichissons-nous des richesses célestes, et poursuivons la pauvreté louable. C’est ainsi que nous atteindrons les biens célestes ; puissions-nous les obtenir tous, par la faveur et la bienveillance de Notre-Seigneur Jésus-Christ, à qui, conjointement avec le Père et le Saint-Esprit, appartiennent la gloire, la puissance, l’honneur, aujourd’hui et toujours, et jusqu’à la fin des siècles. Ainsi soit-il.