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Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 9, 1866.djvu/585

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ce que dit Paul pour prouver que le Fils se suffit à lui-même pour se soumettre toutes choses : « Qui transformera notre corps dans notre abjection, afin de le rendre conforme à son corps glorieux, par cette vertu efficace par laquelle il peut s’assujettir toutes choses ». (Phil. 3, 21) Et ensuite il se sert d’un correctif : « Quand l’Écriture dit que tout lui est assujetti, il est évident qu’il faut en excepter celui qui lui a assujetti toutes choses » ; mais de là encore, on peut tirer une preuve puissante de la gloire du Fils unique. S’il eût été moindre que son Père, de beaucoup inférieur à lui,-Paul n’aurait jamais eu la crainte qu’il montre ici. Les précautions qu’il a prisés, ne sont pas encore suffisantes pour lui ; il y ajoute, il insiste. On pouvait dire Mais si le Père n’est pas assujetti au Fils, cela n’empêche pas que le Fils ne soit plus puissant. Cette pensée inspire à Paul des appréhensions, il repousse cette impiété, et ne croyant pas sa démonstration encore complète, il ajoute surabondamment : « Lors donc que toutes choses auront été assujetties au Fils, alors le Fils sera lui-même assujetti » ; montrant par là la parfaite concorde avec le Père, et que le principe de tous les biens et la première cause, c’est celui quia engendré celui qui est si puissant pour accomplir toutes choses parfaites.
6. Si l’apôtre en a dit plus que son sujet ne le demandait, ne soyez pas surpris : il imite son maître en cela. En effet, Jésus-Christ lui-même voulant montrer la concorde qui l’unit à celui qui l’a engendré, prouver que son avènement n’est qu’un effet de la volonté de son Père, descend dans dès explications mesurées non sur la nécessité de démontrer la concorde, mais sur la faiblesse de ceux auxquels il s’adresse. Il prie son Père uniquement dans cette intention, et il motive sa prière en disant : « Afin qu’ils croient que c’est vous qui m’avez envoyé ». (Jn. 11,42). Donc Paul suit cet exemple, et il emploie ici l’abondance des paroles, non de manière à faire imaginer qu’il puisse y avoir un assujettissement par contrainte, loin de nous cette pensée, mais de manière à exterminer victorieusement ces croyances absurdes. Car lorsqu’il veut extirper une erreur, sa parole est toujours surabondante. C’est ainsi qu’en parlant de la femme fidèle et du mari infidèle unis par le mariage, pour prévenir la pensée que la femme est souillée par son commerce et ses rapports avec l’infidèle, il ne se borne pas à dire que la femme n’est pas impure, n’est eu rien atteinte par son union avec l’infidèle, il dit, ce qui est beaucoup plus expressif, qu’elle sanctifie l’infidèle (1Cor. 7,14) ; ce n’est pas qu’il veuille montrer que le païen, grâce à elle, devient un saint, mais il exagère l’expression pour dissiper la crainte de là femme. De même ici, c’est pour en finir avec une croyance impie qu’il force l’expression. Soupçonner le fils d’impuissance, c’est le comble du dérèglement d’esprit : c’est pour prévenir ce délire, que l’apôtre dit : « Il mettra tous ses ennemis sous ses pieds » oui, mais maintenant il y aurait encore plus d’impiété à croire que le Père est moindre que le Fils. Aussi l’apôtre ruine-t-il cette erreur sacrilège sous une argumentation surabondante. Voyez ce qu’il fait : il ne se contente pas de dire : « Il faut en excepter celui qui lui a assujetti », mais il a bien soin de dire, d’abord : « Il est évident qu’il faut », c’est une manière de confirmer, de corroborer une vérité, quoiqu’elle ne soit nullement contestée.
Et pour que vous compreniez bien que c’est là la raison de toute cette argumentation, je vous demanderai s’il y a alors accroissement de sujétion pour le Fils. Absurdité, état indigne de la divinité ! la plus grande sujétion, l’obéissance la plus abaissée qu’il ait fait paraître, c’est tout Dieu qu’il est, de prendre la forme d’un esclave. Quel moyen donc de croire qu’alors il sera assujetti ? Voyez-vous que Paul n’a pas voulu autre chose, en ajoutant cette observation, que dissiper une imagination absurde, et qu’il s’y est pris comme il convenait ? Il est question ici de l’obéissance qui convient au caractère de Fils, au caractère de Dieu, rien d’humain là-dedans, pleine liberté, pleine puissance. Autrement expliquez comment il partage le trône de Dieu ; comment, ainsi que le Père, il ressuscite ceux qu’il lui plaît (Jn. 5,21) ; comment tout ce qui est à son Père est à lui, et tout ce qui est à lui est à son Père (Jn. 17,10). Voilà qui montre la parfaite égalité de la pleine puissance entre le. Fils et celui qui l’a engendré. Mais que signifie : « Lorsqu’il aura remis son royaume ? » L’Écriture parle de deux royaumes de Dieu : l’un fondé sur l’union intime et familière avec lui ; l’autre, sur la création. Dieu est le roi de tous les peuples, et des Grecs, et des Juifs, et des démons, et de tous les révoltés, cette royauté