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Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 9, 1866.djvu/589

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d’un plus lourd fardeau, à ce qui épaissit ses ténèbres sous une enveloppe plus grossière. Dans l’âme éprise d’une vie molle et délicate, ce qui est le meilleur est asservi ; la partie inférieure fait la loi ; ce qui doit commander est un aveugle, un manchot, un mutilé ; tout se fait et s’exécute par ce qui ne devrait être qu’un subordonné que l’on tient en sa place. Car le grand ouvrier a enchaîné l’âme au corps par des liens nombreux pour prévenir la haine qu’elle pourrait concevoir contre cet étranger.
9. Car si Dieu a commandé d’aimer ses ennemis, le démon est parvenu à persuader à quelques personnes de haïr même leur propre corps. Dire que le corps est l’œuvre du démon, ce n’est pas autre chose que prouver qu’il le faut haïr, ce qui est le comble de la démence. Si c’est l’œuvre du démon, d’où vient cette harmonie parfaite qui le rend de tout point capable de ménager à l’âme la pratique de la sagesse ? Mais, dira-t-on, si le corps est un instrument propre à l’âme, comment se fait-il qu’il aveugle l’âme ? Ce n’est passe corps qui aveugle l’âme, loin de vous, ô hommes, cette pensée ; c’est l’amour de la mollesse. Mais cette mollesse d’où vient que fous la recherchons ? Ce n’est pas parce que nous avons un tores, nullement ; mais c’est parce que nous avons une volonté pervertie. Ce qu’il faut au corps, c’est la nourriture, non la pourriture de la mollesse ; ce qu’il faut au corps, c’est l’aliment, non le dissolvant. Ce n’est pas l’âme seule, c’est, avec l’âme, ce corps qu’un prétend nourrir, qui trouve dans la mollesse une ennemie. Il s’affaiblit au lieu de se fortifier, il s’amollit au lieu de rester ferme ; à la santé succède la maladie ; â la légèreté, la lourdeur ; à la consistance, la consomption ; à la beauté ;. la laideur ; à l’odeur agréable, la puanteur ; à la pureté, la souillure ; au bien-être, la douleur ; à l’utile activité, l’inutile torpeur ; à la fraîcheur, la vétusté ; à l’énergie, le marasme ; à l’agilité, la gaucherie pesante ; il était fort et droit, il boite.. Et maintenant, si le corps était l’ouvre du démon, il ne conviendrait pas davantage qu’il souffrît de ses attaques, je veux dire des atteintes du vice. Mais ni le corps, ni les aliments ne sont les couvres du démon, la seule mollesse en vient. C’est par elle que le démon pervers produit des maux sans nombre ; c’est par là qu’il a perdu tout un peuple. « Ce peuple s’est engraissé », dit l’Écriture, « s’est rempli d’embonpoint, et a regimbé après avoir été tant aimé ». (Deut. 32,15) C’est encore par là qu’ont commencé les foudres contre ceux de Sodome. C’est ce que marquait Ezéchiel, en disant : « Voici quelle a été l’iniquité de Sodome : en se voyant rassasiée de pain, dans l’abondance, elle s’est plongée dans les plaisirs déréglés ». (Ez. 16,48)
Voilà encore pourquoi Paul disait : « La veuve qui se plonge dans les plaisirs déréglés, toute vivante qu’elle est, est morte ». (1Tim. 5,6) Pourquoi ? c’est qu’elle promène comme un sépulcre son corps couvert de maux sans nombre. Or si le corps est ainsi perdu, quel sera l’état de l’âme, quel trouble, quels flots, quelle tempête, quel bouleversement ! La voilà donc, n’en doutons pas, inutile pour toutes choses, incapable de dire, incapable d’entendre ; de prendre un parti, de rien faire de ce qui convient ; comme un pilote dont la science est vaincue par la tempête, s’engloutit dans les flots avec le navire, avec tous les passagers, ainsi l’âme, avec le corps, plonge et s’engloutit dans l’affreux abîme où se perdent tous les sentiments. Car Dieu nous a donné notre ventre comme une meule dont la puissance est mesurée, qui doit moudre chaque jour une quantité dont la mesure est déterminée. Si donc on y jette au-delà de la mesure prescrite, ce qui n’a pas subi le travail de la meule, produit la destruction du corps entier. De là les maladies, les défaillances, les altérations funestes ; car l’excès des plaisirs n’engendre pas seulement les maladies, mais substitue la laideur à la beauté. Voyez l’homme dont la respiration ramène à chaque instant des exhalaisons insupportables, dégage les miasmes infects du vin, dont la figure présente une rougeur exagérée ;. voyez l’homme abusant de la toilette qui convient aux femmes, n’ayant plus aucune décence dans la parure ; voyez cette chair flasque ; ces paupières injectées, gonflées de sang, cette obésité, cette surcharge inutile d’un embonpoint énorme, réfléchissez à tout ce qu’il en résulte d’incommodité. J’ai entendu nombre de médecins prétendant que l’abus des voluptés souvenu empêche le développement de la taille. Car le souffle étant embarrassé par la multitude des aliments précipités dans l’intérieur, et n’étant plus employé qu’à aider le travail de la digestion, ce qui devait servir à l’accroissement du corps, se perd dans l’élaboration