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Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 9, 1866.djvu/590

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que rend nécessaire tout ce superflu qu’on entasse. Que dire de ces gouttes, de ces rhumatismes qui se promènent dans toutes les parties du corps, des autres maladies qui en naissent, de toutes les douleurs honteuses ?
Non, rien n’est aussi désagréable à voir qu’une femme qui se charge de nourriture. Voilà pourquoi la beauté se rencontre plus souvent chez celles qui souffrent de la pauvreté ; pour elles, ce superflu qui nuit au corps se rejette sans peine ; il n’y a pas là une boue qui s’attache inutilement à leur substance, comme cette fange dont on reçoit, dont on emporte l’éclaboussure Les exercices de chaque jour, les fatigues, les peines, la frugalité, le régime de la pauvreté leur font une bonne constitution, et de là résulte pour elles l’éclat de là beauté. Si vous prétendez objecter que la délicatesse a ses plaisirs, vous trouverez qu’ils ne vont pas plus loin que l’entrée de la gorge ; une fois la langue dépassée, les plaisirs, s’envolent, il n’en reste plus qu’un grand nombre d’inconvénients désagréables. Il ne suffit pas de voir les délicats an moment de la table, voyez-les quand ils se lèvent, suivez-les alors, ce sont des bêtes, ce sont des brutes, ce ne sont plus des hommes. Voyez ces têtes pesantes, ces bâillements, ces bras, ces jambes qui s’allongent, ce corps embarrassé, garrotté de mille liens, à qui il faut le lit, des couvertures, du repos surtout, ce tourbillonnement comme s’il y avait une tempête au milieu des flats ; voilez ces naufragés qui ont besoin de sauvetage, qui ne soupirent plus qu’après l’état où ils se trouvaient avant de se crever le ventre. On dirait des femmes en mal d’enfant à les voir comme ils se portent avec leurs ventres appesantis, sans pouvoir marcher, sans pouvoir regarder, sans pouvoir parler, sans pouvoir rien faire. S’il leur arrive de sommeiller, voilà qu’ils ont des songes extravagants, qu’ils voient des chimères, de folles apparitions partout. Comment parler encore d’un autre délire de ces voluptueux, de là luxure qui les brûle ? Encore une démence qui découle des mêmes sources : comme des étalons que leur chaleur transporte, stimulés par l’aiguillon de l’ivresse, ces libertins se ruent sur tout ce qu’ils rencontrent, et c’est une dégradation, une fureur que les animaux mêmes n’égalent pas ; et ce sont des infamies que la parole ne saurait vouloir raconter. Ils n’ont conscience ni de ce qu’ils supportent, ni de ce qu’ils font.
Mais l’homme étranger aux plaisirs, n’est pas sur ce modèle : du port où il est assis, il voit les naufrages, il jouit d’un plaisir pur et qui lui suffit, il mène la vie qui convient à un être libre. Pénétrés de ces vérités, fuyons donc les banquets criminels des hommes livrés à la délicatesse, aux plaisirs déréglés, attachons-nous à la table où règne la frugalité, afin que, dans les bonnes dispositions de l’âme et du corps, nous pratiquions toutes les vertus, et que nous puissions obtenir les biens de la vie future, par la grâce et par la bonté de Notre-Seigneur Jésus-Christ, à qui appartient, comme au Père, comme au Saint-Esprit, la gloire, la puissance, l’honneur, maintenant et toujours, et dans les siècles des siècles. Ainsi soit-il. ==