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Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 9, 1866.djvu/594

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Je meurs. Et ensuite il montre combien de morts il subit, écoutez : « Si pour parler selon l’homme, j’ai combattu à Éphèse contre les bêtes farouches, à quoi cela me sert-il (32) ? »
3. Que signifie : « Si, pour parler à la manière des hommes ? » Autant qu’il a dépendu des hommes, j’ai combattu contre les bêtes. Car que dois-je dire, si c’est Dieu qui m’a arraché aux dangers ? Aussi, c’est moi surtout qui dois m’inquiéter de ces choses, moi qui soutiens tant de périls sans avoir encore reçu de récompense. Car si le moment de la rémunération ne doit pas venir, si tous nos intérêts sont renfermés dans les limites du temps présent, c’est nous qui souffrons le plus grand tort. Vous en effet, votre foi ne vous expose à aucun péril ; nous, au contraire, il n’est pas de jour que nous ne soyons égorgés. Toutes ces paroles n’avaient pas pour objet de faire entendre qu’il n’y avait, pour lui, aucune utilité à retirer de, ses souffrances, mais il se préoccupait de la faiblesse de la multitude, et il voulait les rendre solides sur le sujet de la résurrection ; ce n’était pas qu’il courût après la récompense ; c’était, pour lui, une rémunération suffisante de faire ce qui était agréable à Dieu. Aussi ces paroles mêmes, « si nous n’avions d’espérance en Jésus-Christ que pour cette vie, nous serions les plus misérables de tous les hommes », c’est pour la multitude qu’elles sont dites, c’est pour que la crainte d’un état si misérable bannisse de leur cœur l’incrédulité au sujet de la résurrection, c’est pour s’accommoder à leur faiblesse qu’il parle ainsi. Car c’est une grande récompense que de plaire, en toute circonstance, à Jésus-Christ, et, indépendamment de toute rémunération, le plus précieux des salaires, c’est de braver pour lui les périls. « Si les morts ne ressuscitent point, mangeons et buvons, car nous mourrons demain ». Dans ces dernières paroles, c’est l’ironie qui éclate. Aussi n’est-ce pas de lui-même qu’il énonce cette pensée ; mais il fait entendre le plus sublime des prophètes, Isaïe qui disait au sujet des malheureux devenus insensibles à la douleur et désespérés : « Qui égorgent des veaux et tuent des moutons, pour manger de la chair et boire du vin ; qui disent : Mangeons et buvons, car demain nous mourrons. C’est pourquoi le Seigneur le Dieu des armées, m’a fait entendre cette révélation, cette iniquité ne vous sera pas remis, jusqu’à ce que vous mouriez ». (Is. 22,13-14) S’il n’y avait pas de pardon alors pour ceux qui disaient ces paroles, à bien plus forte raison les mêmes coupables seront-ils punis sans la grâce. Maintenant pour ne pas rendre son discours trop amer, l’apôtre cesse d’insister sur les absurdités, il reprend le ton de l’exhortation, il dit : « Ne vous laissez pas séduire ; les mauvais entretiens gâtent les bonnes mœurs (33) ». Ces paroles avaient pour but de leur reprocher leur manque de sens, et, en même temps, il s’y mêle un compliment, car ce sont les bonnes âmes qui sont faciles à tromper, et du même coup, autant qu’il lui est possible, il les décharge, il les montre excusables dans ce qui précède, il repousse loin d’eux les accusations, il les transporte à d’autres coupables, et par ce moyen-là il entraîne ses auditeurs au repentir. C’est ce qu’il fait dans l’épître aux Galates « Celui qui vous trouble en portera la peine, quel qu’il soit ». (Gal. 5,10) « Tenez-vous dans la vigilance, justement, et ne péchez pas (34) », comme s’il s’adressait à des gens ivres et saisis d’accès de folie furieuse. Rejeter à la fois, rejeter tout à coup ce qu’on tient dans les mains, c’était vouloir ressembler à ces gens ivres, à ces furieux qui ne voient plus, ce qu’ils ont vu, qui ne croient plus ce qu’ils ont confessé. Que signifie « justement ? » pour ce qui est avantageux et utile. Car il y a une vigilance, en vue de l’injustice, quand on n’a l’esprit éveillé que pour faire du tort à son âme. Et c’est avec raison que l’apôtre a ajouté, « ne péchez pas », pour montrer que c’est du péché que sortent les germes de l’incrédulité. En beaucoup d’endroits, il fait entendre que c’est la corruption des mœurs qui produit les mauvaises doctrines, comme quand il dit « Car l’amour des richesses est la racine de tous les maux ; et quelques-uns en étant possédés, se sont égarés hors de la foi ». (1Tim. 6,10) Il en est un grand nombre que leur conscience tourmente, qui craignent le châtiment, et qui par suite au grand préjudice de leur âme, perdent la foi en la résurrection ; de même que ceux qui pratiquent de grandes. Vertus, ne soupirent à chaque instant qu’après ce grand jour : « Car il y en a quelques-uns qui ne connaissent point Dieu ; je vous le dis, pour vous faire honte ». Voyez comme il fait encore retomber les accusations sur d’autres coupables. Il ne dit pas : Vous ne connaissez point, mais : « Il y en a quelques-uns